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Nice : Reconnaissance faciale, entre lutte contre la drogue et menace sur les libertés

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Alors que Gérald Darmanin veut légaliser la reconnaissance faciale dans l’espace public, Nice s’impose en ville pilote. Associations et CNIL s’alarment.

Sur RTL le 23 mai, le ministre de la Justice Gérald Darmanin s’est déclaré favorable à l’usage de la reconnaissance faciale dans l’espace public. Il souhaite créer un cadre légal permettant son utilisation, notamment dans la lutte contre le trafic de drogue. Un groupe de travail va être constitué à cet effet. Cette position marque une rupture : en 2022, alors ministre de l’Intérieur, Darmanin s’y était opposé.

Nice, terrain d’expérimentation technologique

Le maire de Nice, Christian Estrosi, est l’un des défenseurs les plus acharnés de la vidéosurveillance biométrique qu’il appelle d’ailleurs « vidéoprotection ». En 2019, la ville avait déjà expérimenté un système de reconnaissance faciale pendant le Carnaval, avec l’aval de la CNIL. Si la municipalité avait salué un « succès », la CNIL était restée prudente, faute d’évaluation claire de l’efficacité du dispositif.

Nice est régulièrement pointée du doigt par la CNIL pour ses usages innovants — voire intrusifs — des caméras dites « intelligentes ». Dernier rappel à l’ordre : le 25 mai, la Commission a exigé la désactivation d’un système automatisé de détection de stationnement prolongé devant des écoles.

Légalité, RGPD et éthique : un cadre encore flou

Actuellement, le RGPD interdit l’identification biométrique sans consentement explicite, sauf cas spécifiques comme les contrôles aux frontières (Parafe). La reconnaissance faciale est donc illégale pour identifier, authentifier ou suivre un individu dans la rue.

Mais la directive européenne « Police-Justice » — adoptée en partie sous impulsion française — laisse entrevoir des assouplissements. C’est cette brèche que Gérald Darmanin souhaite explorer, dans un cadre juridiquement contrôlé.

Associations de défense des droits : « un outil dangereux »

La Ligue des droits de l’hommeAmnesty International et La Quadrature du Net dénoncent un risque grave pour les libertés publiques. Henri Busquet, secrétaire de la LDH à Nice, estime dans les colonnes de Nice-Matin que le danger est politique : « Vous posez les briques d’un outil qui pourra être mal utilisé si un jour la République faiblit ».

Les ONG pointent le risque d’erreurs, de discriminations, et d’atteintes à la vie privée, jugé disproportionné au regard des gains en sécurité.

Un outil contre la drogue ou une fausse promesse ?

À Nice, certains quartiers — les Moulins, L’Ariane, La Frayère — sont marqués par la violence liée au trafic de stupéfiants. Le premier adjoint au maire, Anthony Borré, estime que la reconnaissance faciale pourrait aider à suivre des individus identifiés par les forces de l’ordre pour mieux comprendre les réseaux.

Mais pour Jean-François Illy, ancien patron de la police nationale dans les Alpes-Maritimes, l’intérêt est très ciblé. « C’est utile si l’on cherche une personne précise, dans une situation d’urgence ou pour sauver des vies », explique-il à Nice-Matin.

Vers une légalisation progressive sous contrôle judiciaire ?

Des élus locaux, comme Christian Estrosi et le président de la Région Sud, Renaud Muselier, veulent participer au groupe de travail national. L’idée serait d’autoriser la reconnaissance faciale de manière temporaire et géographiquement ciblée, sous réquisitions judiciaires. Une formule qui pourrait rassurer… ou pas.

En toile de fond : l’exemple chinois comme repoussoir

La Chine est le pays le plus avancé en matière de reconnaissance faciale, utilisée pour surveiller les citoyens dans presque tous les aspects de la vie quotidienne. De la traversée de rue au retrait de papier toilette, les usages évoquent une dystopie en marche.

Entre la quête de sécurité et la protection des libertés, la France — et Nice en particulier — s’engage sur un fil ténu. Légaliser la reconnaissance faciale dans l’espace public poserait un précédent historique. Reste à savoir si la société française est prête à en assumer les conséquences.

Source : Nice-Matin.

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