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Hannah Arendt. Photo : @Barbara Niggl Radloff

Hannah Arendt : Un parcours influencé par le nazisme et le sionisme

Philosophe et politologue de renom, Hannah Arendt (1906-1975) est une figure incontournable de la pensée politique contemporaine. Son parcours, profondément marqué par l’exil, la montée du nazisme et la question juive, l’a conduite à élaborer une réflexion originale sur le totalitarisme, la modernité et la place du sionisme. Si son œuvre est reconnue pour son apport intellectuel, elle suscite encore aujourd’hui de vifs débats, notamment en raison de ses prises de position sur la Shoah et l’État d’Israël.

Née en Allemagne en 1906, Hannah Arendt grandit dans une famille juive. Après des études de philosophie à Marbourg, elle noue une relation aussi intellectuelle que sentimentale avec Martin Heidegger, philosophe habitué des Cours universitaires de Davos, visant à établir une université internationale dans la ville helvétique, qui rejoindra plus tard le parti nazi. Ce lien, resté ambivalent malgré l’engagement politique du penseur, marquera son parcours. 

Face à l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler en 1933, elle s’intéresse de plus en plus à ses origines. Dès 1926, elle se lie à Kurt Blumenfeld, ancien président de l’Organisation sioniste mondiale et figure centrale du mouvement sioniste, également à la tête de l’Union sioniste allemande depuis 1924. Chargée par Blumenfeld d’analyser les thèmes de la propagande antisémite, elle est arrêtée en 1933 par la Gestapo, puis relâchée grâce à la bienveillance d’un policier. Sans attendre, elle quitte l’Allemagne. 

Son exil Français

Arrivée en France, elle occupe le poste de secrétaire particulière de la baronne Germaine de Rothschild, famille habituée des réunions du groupe Bilderberg, descendant du banquier Meyer Amschel Rothschild, principal financier des Illuminés de Bavière, une société secrète fondée en 1776 qui ambitionnait de créer « un nouvel ordre mondial », mais fût dissoute par le gouvernement bavarois en 1785 accusée de fomenté un complot. Certains, comme l’Abbé Barruel, Jean-Pierre-Louis de Luchet et Drumont ont affirmé qu’elle avait infiltré la Franc-maçonnerie et aurait orchestré la Révolution Française. 

En France, Hannah Arendt milite en faveur de la création d’une entité judéo-arabe en Palestine et s’investit activement dans l’accueil des réfugiés juifs, principalement communistes, fuyant le nazisme. Elle joue également un rôle clé dans l’organisation de leur émigration vers la Palestine.

Arendt se liera notamment avec un certain, Erich Cohn-Bendit, père de Daniel Cohn-Bendit. Après sa mort en 1959, Arendt ferra même le voyage depuis les Etats-Unis pour venir présenter ses condoléances à sa veuve, Herta Cohn-Bendit.

Internée au camp de Gurs en 1940 par le gouvernement français, elle parvient à s’enfuir après la signature de l’armistice et se rend au Portugal avant de s’exiler aux Etats-Unis. Son exil a été rendu possible grâce à l’intervention en mai 1941, du diplomate américain Hiram Bingham IV, qui lui délivre illégalement un visa d’entrée aux États-Unis, en même temps qu’à environ 2 500 autres réfugiés juifs. Il s’agit du petit fils du fondateur de Tiffany & Co, passé par l’université Yale, où est établi la Skull and Bones, l’une des principales fraternités étudiantes américaines, fondée en 1832 à l’initiative de William Huntington, un étudiant américain parti étudier dans ce qui deviendra l’Allemagne, qui était alors truffée de sociétés secrètes étudiantes.

Son exil américain

Aux États-Unis, Hannah Arendt vit d’abord une période de galère, mais entame ensuite une carrière de journaliste et d’enseignante, faisant la promotion de Martin Heidegger, controversé dans ce pays.

Après la Seconde Guerre mondiale, elle revient en Allemagne et s’engage au sein d’une association dédiée à l’aide aux survivants juifs. Elle renoue également avec Heidegger et apporte son témoignage en sa faveur lors de son procès en dénazification.

Devenue citoyenne américaine en 1951, elle débute une carrière universitaire en tant que conférencière et professeur invité en sciences politiques dans plusieurs institutions prestigieuses, actuellement membre du Forum économique mondial, notamment Berkeley, Columbia et Princeton, où elle devient en 1959 la première femme à obtenir un poste de professeur titulaire.

Le totalitarisme et la question juive

La même année, elle publie Les Origines du totalitarisme, où elle compare nazisme et stalinisme, suivi de Condition de l’homme moderne en 1958, puis du recueil de textes La Crise de la culture en 1961. Après ces ouvrages majeurs, elle se rend à Jérusalem pour suivre le procès du haut responsable nazi Adolf Eichmann, qu’elle considère comme l’incarnation de la « banalité du mal ».

Si Hannah Arendt a initialement soutenu le projet sioniste, son regard évolue après la création de l’État d’Israël en 1948. Elle critique vivement la politique menée par David Ben Gourion et les dérives nationalistes du mouvement sioniste.

En 1961, elle s’oppose au procès Eichmann, qu’elle perçoit comme un procès-spectacle orchestré par l’État israélien pour affirmer son autorité sur la mémoire de la Shoah. Dans ses écrits, elle dénonce un nationalisme juif exclusif, craignant qu’Israël ne devienne un État militarisé et intolérant.

Dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem, Arendt estime d’ailleurs que ce dernier n’était pas un monstre animé par la haine, mais un simple exécutant, incarnant la soumission aveugle à l’autorité. Cette vision provoque un tollé dans le monde juif, certains l’accusant de minimiser la responsabilité des bourreaux et d’être trop critique à l’égard des conseils juifs (Judenräte), des corps administratifs formés dans les territoires occupés par l’Allemagne nazie, composés des leaders des communautés juives, accusés d’avoir facilité la déportation en collaborant avec les nazis.

Son refus d’adhérer pleinement au sionisme lui vaut d’être rejetée par une partie des intellectuels juifs, notamment son ami, Gershom Scholem, qui lui reproche comme à beaucoup d’intellectuels issus de la gauche allemande, son manque d’« amour pour le peuple juif »

En 1966, elle soutient toutefois la pièce de théâtre Le Vicaire de l’Allemand Rolf Hochhuth, une œuvre qui suscite une vive controverse en raison de sa critique du rôle du pape Pie XII face à la Shoah.

Aujourd’hui, la pensée d’Hannah Arendt continue d’influencer la philosophie politique et la réflexion sur la mémoire de la Shoah. Mais son rapport à Heidegger, son analyse du nazisme et sa critique du sionisme restent l’objet de polémiques.

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