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Cameroun–France : le mea culpa de Macron sur la guerre coloniale, entre reconnaissance historique et défiance persistante

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Emmanuel Macron a reconnu la responsabilité de la France dans les violences coloniales commises au Cameroun entre 1945 et 1971. Un geste fort, salué par certains mais jugé insuffisant dans un contexte marqué par une montée du sentiment antifrançais en Afrique de l’Ouest.

Dans un courrier adressé le 30 juillet à Paul Biya, président du Cameroun, et rendu public le 12 août, Emmanuel Macron a reconnu que la France avait mené une « guerre » au Cameroun au moment de la décolonisation. Cette reconnaissance tardive d’une guerre longtemps qualifiée d’« événements » ou d’« opérations de maintien de l’ordre » fait écho aux travaux d’une commission d’historiens franco-camerounaise remise sept mois plus tôt au chef de l’État.

Macron y admet que la France a utilisé la force contre ceux qui, au Cameroun, réclamaient la fin du joug colonial. Il reconnaît implicitement que l’indépendance formelle acquise en 1960 n’a pas mis fin à l’influence militaire française ni aux massacres d’opposants soutenus par Paris. Il souligne ainsi que cette période sanglante s’est poursuivie jusqu’en 1971, en complicité avec les nouvelles autorités locales favorables à la France.

Cette déclaration, qualifiée d’« effort considérable » par le site guinéen Le Djely, s’inscrit dans une démarche mémorielle amorcée par le président français depuis le début de son mandat. Déjà, en 2021, il avait reconnu la responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda sans toutefois présenter d’excuses officielles ou envisager des réparations, même symboliques.

Mais cette reconnaissance soulève également des contradictions. Car si Macron semble vouloir réconcilier la France avec son passé colonial, ses actes géopolitiques récents brouillent le message. Son attitude jugée condescendante lors du sommet de Pau en 2020, où il avait convoqué les dirigeants du G5 Sahel, ou encore ses prises de position fermes après le coup d’État au Niger en 2023, ont ravivé les accusations de néocolonialisme.

Aujourd’hui, dans un climat marqué par une contestation croissante de la présence française en Afrique, notamment au Sahel, cette reconnaissance résonne comme un geste isolé. Nombre de jeunes Africains, portés par un désir d’émancipation, voient encore la France comme un acteur oppresseur. Ce ressentiment est alimenté à la fois par des rivalités géostratégiques et par certains régimes locaux qui instrumentalisent l’hostilité à Paris pour renforcer leur propre légitimité.

Aussi sincère soit-elle, cette reconnaissance des crimes coloniaux au Cameroun risque donc de rester lettre morte sans une refondation plus profonde des relations entre la France et le continent africain. Une reconnaissance, aussi forte soit-elle, ne peut effacer à elle seule des décennies de défiance, d’ingérence perçue et de blessures ouvertes.

Sources : Le Djely, Courrier international, AFP

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