À l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, les médecins libéraux tirent la sonnette d’alarme sur un scandale sanitaire passé sous les radars du grand public : la contamination massive des Français, notamment des enfants, par le cadmium, un métal lourd hautement toxique. Présent dans les engrais phosphatés utilisés dans l’agriculture, ce cancérogène avéré se retrouve dans les céréales, le pain, les pommes de terre ou les pâtes — des aliments consommés au quotidien.
Dans un courrier adressé au gouvernement le 2 juin, la Conférence nationale des URPS-Médecins libéraux parle d’« urgence sanitaire », pointant une explosion des cas de cancer du pancréas et une imprégnation inquiétante des enfants français. Selon les dernières données de Santé publique France, 47 % des Français dépassent les seuils critiques d’exposition, et cette proportion grimpe à 18 % chez les enfants.
Des effets dévastateurs sur la santé
Le cadmium s’accumule lentement dans l’organisme, se fixant dans les os, les reins et le foie. Il est associé à de nombreuses pathologies graves : ostéoporose, insuffisances rénales, troubles de la reproduction et cancers variés (pancréas, reins, prostate, poumons, seins). Une méta-analyse de 2024 montre que même à des doses faibles, le risque de maladies cardiovasculaires est multiplié par trois.
L’étude Esteban révèle une flambée particulièrement inquiétante chez les enfants de 6 à 10 ans, cinq fois plus contaminés que leurs homologues américains, quinze fois plus que les petits Danois.
Une origine agricole largement documentée
La cause principale ? Les engrais phosphatés riches en cadmium, utilisés massivement dans l’agriculture française, souvent issus de roches importées du Maroc. Ces engrais affichent une teneur jusqu’à trois fois supérieure à celle mesurée en Belgique ou en Allemagne.
La Commission européenne a fixé une limite de 60 mg/kg pour ces engrais depuis 2022, avec un objectif de réduction à 20 mg/kg d’ici 2034. Mais la France reste à la traîne : un arrêté visant à réduire ce seuil à 40 mg/kg en 2026 n’a jamais été publié, victime notamment de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Un appel à un changement de cap
Les professionnels de santé réclament des mesures immédiates : interdiction progressive des engrais les plus contaminés, soutien renforcé à l’alimentation biologique — surtout dans les cantines scolaires — et prise en charge du dépistage via la cadmiurie. « Il est insupportable que des considérations économiques priment encore sur la santé des Français », s’indigne Pascal Meyvaert, coordinateur santé-environnement des URPS dans les colonnes du Monde.
Une campagne nationale d’information est lancée dans les cabinets médicaux. Le message est simple : varier son alimentation et privilégier le bio. En parallèle, les médecins demandent la formation de tous les libéraux à cette problématique de santé environnementale mal connue mais cruciale.
Source : Le Monde.