Apparue à Oslo après près d’un an de clandestinité, Maria Corina Machado a révélé avoir quitté le Venezuela grâce à une opération minutieusement organisée avec l’aide de Washington. Récompensée par le Prix Nobel de la paix 2025, l’opposante proche depuis longtemps des Etats-Unis et du Forum économique mondial promet désormais de rentrer « mettre fin à la tyrannie » de Nicolás Maduro, au risque d’être immédiatement arrêtée.
Oslo aura été le théâtre d’un retour inattendu : celui de Maria Corina Machado, figure majeure de l’opposition vénézuélienne et désormais lauréate du Prix Nobel de la paix 2025. Jusqu’à la dernière minute, ni l’Institut Nobel ni ses proches ne savaient si elle parviendrait à quitter le Venezuela, où elle vivait cachée depuis août 2024, traquée par une justice qui l’accuse de conspiration, d’incitation à la haine et de terrorisme. L’incertitude a culminé lorsque sa conférence de presse prévue à Oslo a été annoncée, repoussée, puis annulée, avant que le comité Nobel n’évoque un « voyage dans une situation d’extrême danger ». Son apparition, jeudi 11 décembre, a ainsi pris la forme d’une délivrance, autant que d’un acte politique.
D’après les informations du Wall Street Journal, son exfiltration relève presque du roman d’espionnage. Lundi après-midi, Machado quitte sa cachette dans la banlieue de Caracas, déguisée et munie d’une perruque pour tromper les contrôles. Escortée par deux personnes, elle traverse une dizaine de postes militaires avant d’atteindre un village de pêcheurs sur la côte caraïbe. Là, elle embarque pour une traversée sensible de la mer des Caraïbes vers Curaçao. Le journal rapporte que l’armée américaine avait été prévenue pour éviter tout tir sur l’embarcation, signe de la coordination discrète entre Washington et l’opposante.
Arrivée le mardi 9 décembre à Curaçao, Machado est immédiatement prise en charge par un entrepreneur privé habitué à ce type d’opérations et mis à disposition par l’administration du contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Donald Trump. Le lendemain matin, elle s’envole à bord d’un avion privé vers Oslo. Lors de son premier échange avec la presse, elle raconte être arrivée « sans bagages », portant les seuls vêtements utilisés pour fuir et n’ayant « même pas eu le temps de prendre une douche ». Elle confirme surtout avoir reçu « un soutien du gouvernement américain », remerciant ceux qui, selon ses mots, « ont risqué leur vie » pour permettre sa venue.
Son arrivée tardive dans la nuit du 10 au 11 décembre l’a empêchée d’assister à la cérémonie officielle. Sa fille, Ana Corina, a reçu la médaille en son nom et lu un discours résolument combatif, dénonçant les « crimes contre l’humanité » documentés par l’ONU et un « terrorisme d’État » destiné à étouffer la volonté populaire. Un discours en écho à celui de sa mère, qui a rappelé depuis le Parlement norvégien que le Nobel était, selon elle, « une récompense collective » destinée au peuple vénézuélien. Machado promet de rapporter le prix « au moment adéquat » et se dit prête à rentrer dans son pays pour « finir le travail » et « mettre fin à cette tyrannie très bientôt ».
Cette promesse sonne comme un défi lancé à Nicolás Maduro. Caracas a déjà prévenu qu’elle serait considérée comme « fugitive » si elle a quitté le territoire, et qu’elle encourrait l’arrestation à son retour. Machado était entrée dans la clandestinité après avoir été empêchée de se présenter à la présidentielle de 2024, malgré sa large victoire aux primaires de l’opposition. Les États-Unis, l’Union européenne et plusieurs pays latino-américains ont d’ailleurs refusé de reconnaître le scrutin ayant permis à Maduro d’obtenir un troisième mandat consécutif.
Mais le Prix Nobel de la paix, en la consacrant, a également remis sur le devant de la scène les zones d’ombre et les controverses entourant son parcours. Machado revendique une ligne politique très dure face au régime chaviste, soutient les sanctions américaines et a dédié son Prix à Donald Trump, saluant le « soutien décisif » du président américain. Elle approuve aussi la présence, depuis août, d’une flottille militaire américaine déployée dans les Caraïbes, officiellement pour lutter contre le narcotrafic, une opération déjà marquée par 87 morts. Il faut dire que les liens de Machado avec les Etats-Unis ne datent pas d’hier. En 2005, elle avait été accusé dans son pays de trahison pour avoir reçu des fonds de la part du National Endowment for Democracy, une fondation privée à but non lucratif proche de la CIA. En 2011, elle a également participé a une édition du Forum économique mondial dédié à l’Amérique du Sud à Rio de Janeiro.
La trajectoire de l’opposante néolibérale s’inscrit par ailleurs dans un réseau de relations assumées avec l’extrême droite internationale. En 2020, elle a signé la « Charte de Madrid », impulsée par la fondation Disenso, liée au parti espagnol Vox, aux côtés de personnalités comme le président argentin et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Javier Milei ou Giorgia Meloni, passé par le programme young leader des instituts Aspen dirigé par le contributeur du FEM, Daniel R. Porterfield. Sans surprise, sa réapparition à Oslo a été saluée par plusieurs dirigeants radicaux de droite latino-américains, dont le président Milei.
Dans ce contexte brûlant, l’appel du comité Nobel à ce que Nicolás Maduro « accepte les résultats de l’élection et se retire » résonne comme une nouvelle mise en demeure de l’élite mondialiste. Le prix décerné à Machado, loin d’apaiser les tensions, semble déjà agir comme le catalyseur d’un potentiel conflit au Venezuela.
Sources :
TV5MONDE – Article du 11 décembre 2025 – lien