En imposant l’affichage du pays d’origine des comptes, X devient le premier grand réseau social à déployer un dispositif de transparence aussi intrusif pour lutter contre les faux profils et les campagnes de manipulation. Une mesure présentée comme un progrès majeur dans l’authentification des utilisateurs, mais qui soulève aussi des inquiétudes sur la sécurité et la vie privée. Le réseau social d’Elon Musk a toutefois le mérite d’avoir pris le problème à bras le corps, ce qui n’est pas le cas de ces concurrents.

Depuis le 22 novembre, X — ex-Twitter — a franchi une étape que ni Meta, ni TikTok, ni YouTube n’ont osé franchir : rendre obligatoire l’affichage de la localisation des comptes. La plateforme, dirigée par Elon Musk, présente cette mesure comme un levier central dans sa lutte contre les faux profils, les bots et les réseaux coordonnés de désinformation. Désormais, en cliquant sur la date de création d’un compte, chacun peut voir le pays d’enregistrement, l’historique des changements de nom et les éventuelles connexions via VPN ou proxy.

L’annonce, faite par Nikita Bier, responsable produit, s’inscrit dans une volonté affichée de redonner de la « transparence » à ce qu’il décrit comme la « place publique mondiale ». Cette option baptisée « À propos de ce compte » avait été testée dès le vendredi 21 novembre, avant d’être brièvement retirée pour corriger des erreurs de détection sur d’anciens profils. Samedi, elle a été réactivée pour l’ensemble des utilisateurs.

Contrairement aux rares outils offerts sur d’autres plateformes sociales — labels officiels, badges d’authenticité ou signalements de comptes suspects —, X fait le choix d’un dévoilement systématique, quasiment inédit. Une rupture majeure dans un secteur où les géants du numérique préfèrent laisser la détection des faux comptes à des audits internes ou à des algorithmes opaques.

Mais cette recherche de transparence n’a pas mis longtemps à produire des effets collatéraux spectaculaires. En quelques heures, des milliers de comptes jusque-là perçus comme locaux ont révélé être opérés depuis la Russie, l’Inde, le Nigeria ou encore les Philippines. Influenceurs politiques, comptes militants ou profils anonymes très actifs ont été soudain exposés, révélant l’ampleur des opérations de manipulation en ligne. Une véritable « cartographie » de l’ingérence numérique est apparue sous les yeux du public, provoquant suppressions de comptes, débats houleux et vastes remises en question.

X assure néanmoins vouloir protéger les utilisateurs situés dans des pays répressifs. Une option permet ainsi de n’afficher qu’une zone élargie — par exemple un continent — sans masquer totalement la localisation. Cette sécurité relative reste loin de satisfaire les défenseurs des libertés numériques, pour qui le risque d’exposition demeure élevé, notamment pour les journalistes, les opposants politiques ou les lanceurs d’alerte vivant sous surveillance.

Les limites techniques de l’outil sont également reconnues par la plateforme. L’usage d’un VPN, un déplacement récent ou une localisation temporaire peuvent modifier les informations affichées, même si le’utilisation d’un VPN peut-être signalé. Dans certains cas, X avertit directement qu’un « partenaire » a détecté une connexion via proxy, ce qui peut fausser le pays indiqué. Une transparence imparfaite, mais qui pourrait suffire à alimenter des interprétations erronées ou des campagnes de harcèlement.

Pour les utilisateurs souhaitant aller plus loin, une extension pour Chrome, Edge, Firefox et Safari permet désormais de voir instantanément la région d’un compte sans même consulter son profil.

Sources :

X – Déclarations officielles de Nikita Bier : https://x.com

Presse tech spécialisée – Analyses sur la fonctionnalité de localisation des comptes