You are currently viewing Irak : la victoire de Soudani ouvre une séquence de haute tension avec les factions pro-Iran
Mohammed Shia al-Sudani. Photo : @U.S. Navy Petty Officer 1st Class Alexander Kubitza

Irak : la victoire de Soudani ouvre une séquence de haute tension avec les factions pro-Iran

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:MONDE
  • Commentaires de la publication :0 commentaire

Arrivé en tête des élections législatives du 11 novembre, le Premier ministre Mohamed Chia Al-Soudani revendique la formation du prochain gouvernement. Mais les résultats fragmentés du scrutin annoncent une lutte d’influence complexe face aux puissants partis chiites pro-Iran, toujours dominants au Parlement.

Les législatives anticipées du 11 novembre constituent, à première vue, un succès personnel pour Mohamed Chia Al-Soudani. Trois ans après son arrivée au pouvoir, le Premier ministre irakien sortant voit ses listes arriver en tête du scrutin, symbolisant l’adhésion d’une partie de l’opinion à sa stratégie d’équilibre entre Washington et Téhéran et à sa gestion jugée stable d’un pays traversé de crises chroniques.

Un succès relatif, porté par une participation inattendue

La presse irakienne proche du pouvoir salue un « exercice démocratique réussi ». Le quotidien Al-Sabah parle même d’une « noce démocratique », soulignant le taux de participation en nette hausse : 56 %, contre 41 % en 2021, un record historique de désaffection. Pour Ad-Dustour, Soudani a « rétabli la confiance du citoyen », au point de mobiliser une partie des abstentionnistes et des électeurs indécis.

Dans Bagdad, les partisans du Premier ministre ont célébré la victoire toute la nuit, rapporte Az-Zaman. Selon les résultats préliminaires, les listes de Soudani arrivent en tête dans huit provinces, faisant de lui l’acteur central du champ politique chiite – la communauté majoritaire à laquelle revient traditionnellement le poste de Premier ministre depuis 2003.

Un leadership contesté par les forces pro-Iran

Mais la victoire du chef du gouvernement sortant s’avère bien moins large qu’espéré. Sa Coalition pour la reconstruction et le développement ne totaliserait que 46 sièges sur les 329 du Parlement. Pour former un gouvernement, Soudani devra nécessairement composer avec l’autre pôle du camp chiite : le Cadre de coordination, regroupant les partis et milices proches de Téhéran.

Ce bloc, mené notamment par l’ancien Premier ministre Nouri Al-Maliki, devrait rassembler environ 150 sièges, soit une influence largement supérieure à celle de Soudani. Pour le site Al-Alam Al-Jadid, les résultats donnent une image très différente de la victoire célébrée à Bagdad : ils « confirment le maintien de l’emprise du Cadre sur la majorité parlementaire ».

Autrement dit, l’homme arrivé en tête n’est pas celui qui pèsera le plus dans les négociations à venir.

Un paysage politique inchangé depuis 2018

Loin d’avoir bousculé les équilibres, le scrutin reproduit presque à l’identique la carte politique établie depuis plusieurs années. Côté kurde, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) restent hégémoniques. Côté sunnite, le parti Taqaddom de Mohammed Al-Halbousi et l’alliance Azem s’imposent à nouveau. Les candidats liés au soulèvement de 2019 subissent un net revers, signe que les revendications issues de la contestation ont été marginalisées.

Pour le site +964, les Irakiens « ont reconduit le même paysage politique inchangé depuis 2018 », écrasant les espoirs d’un renouvellement porté par la rue.

Des négociations tendues en perspective

Soudani appelle désormais les forces politiques à « respecter la volonté des électeurs » et prône un slogan : « L’Irak d’abord ». Mais pour obtenir un second mandat, il devra rebâtir un fragile consensus. Celui-ci dépendra de deux facteurs essentiels : le rapport de force interne au camp chiite, où les milices pro-Iran entendent récupérer le contrôle complet du gouvernement et l’équilibre diplomatique entre Washington et Téhéran, que Soudani a réussi, jusqu’ici, à maintenir malgré les tensions régionales.

Pour Kitabat, site irakien d’analyse politique, le risque est clair : « Les forces influentes s’apprêtent à reproduire le même scénario désastreux », basé sur des quotas communautaires, des compromis opaques et « l’influence de milices armées ».

Un pays toujours en crise profonde

Dans ce contexte, les perspectives restent sombres. Les analystes redoutent la reconstitution d’un gouvernement fragile, divisé et vulnérable aux ingérences étrangères. Le peuple, lui, demeure confronté à la pauvreté, au chômage, à l’effondrement des services publics et à une souveraineté nationale affaiblie.

La victoire de Soudani est donc réelle, mais limitée. Elle ouvre surtout une nouvelle phase de tractations âpres, dans un Irak où les urnes, une fois encore, n’ont pas suffi à clarifier la répartition du pouvoir.

Sources internationales et irakiennes citées dans l’article :

  • Courrier international, 13 novembre 2025
  • Al-Sabah (quotidien irakien)
  • Ad-Dustour (quotidien irakien)
  • Az-Zaman (quotidien irakien)
  • Al-Mustaqbal Al-Iraqi
  • +964 (site d’actualité irakien)
  • Al-Alam Al-Jadid (site d’analyse)
  • Al-Muraqeb Al-Iraqi (presse proche du camp pro-Iran)
  • Kitabat (site d’opinion irakien)

Laisser un commentaire