Une étude menée auprès de 2 000 offres d’emploi révèle des écarts significatifs de réponses entre candidats valides et candidats en situation de handicap. À l’approche de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, les résultats soulignent l’ampleur d’un phénomène persistant dans le recrutement. Les chercheuses alertent sur des préjugés toujours enracinés malgré un cadre légal contraignant.
À quelques jours de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap, une nouvelle étude met en lumière une réalité déjà largement pressentie mais rarement quantifiée à cette échelle. Mené à l’initiative d’APF France Handicap, un testing sur près de 2 000 offres d’emploi démontre l’ampleur des discriminations subies par les candidats présentant un handicap physique. Les conclusions, portées par les chercheuses Naomie Mahmoudi et Marion Goussé, sont sans appel : à profil égal, les chances d’obtenir une réponse positive diminuent nettement dès la simple mention d’un handicap.
Les chercheuses ont construit quatre profils fictifs de candidates postulant à des postes de secrétaire-réceptionniste ou d’assistante comptable : l’une en fauteuil roulant, une autre portant un appareil auditif, une troisième cumulant les deux handicaps, et une dernière ne présentant aucune limitation. Les résultats montrent qu’une candidature signalant un handicap voit son taux de réponses positives chuter de 27,6 % à 22 %, soit un écart de 5,6 points. Un déséquilibre plus marqué pour les métiers de réception, où l’écart atteint 8,6 points, révélant la persistance de préjugés liés au contact avec le public, comme le souligne Marion Goussé.
L’étude observe également que lorsque l’information sur le handicap n’apparaît que dans la lettre de motivation, l’écart se réduit sensiblement, signe probable d’une lecture moins attentive de cette dernière. En revanche, l’utilisation d’un CV vidéo, lorsqu’il est visionné par les recruteurs, aggrave massivement la discrimination : l’écart grimpe alors à 50 points entre une candidate sans handicap visible et une candidate en fauteuil roulant équipée d’un appareil auditif. Comme le note Naomie Mahmoudi, la vidéo rapproche les employeurs des conditions réelles d’un entretien, et met à nu des biais qui restent autrement dissimulés.
Si le testing apporte des données précises sur ces discriminations, il s’inscrit dans un paysage plus large où les obligations légales françaises peinent à produire leurs effets. Les entreprises d’au moins vingt salariés doivent employer 6 % de travailleurs handicapés sous peine de sanctions financières. Pourtant, selon les données de la Dares publiées le 13 novembre, le taux réel n’atteignait en 2024 que 4 % dans le secteur privé (5,1 % en incluant les plus de 50 ans). Les grandes entreprises respectent davantage la loi — 45 % d’entre elles atteignent l’objectif — tandis que les petites structures, souvent moins dotées en dispositifs d’accompagnement, se distinguent par leurs manquements : 38 % des sociétés de 20 à 49 salariés n’emploient aucun travailleur en situation de handicap. Le testing d’APF France Handicap confirme cette tendance en montrant une discrimination plus forte dans les petites structures.
Un enseignement positif émerge toutefois : les entreprises dont les locaux sont adaptés, dotés de rampes, parkings accessibles ou d’entrées sans obstacles, discriminent moins fréquemment. L’accessibilité matérielle semble ainsi favoriser une perception plus inclusive du handicap, comme si l’environnement façonnait, au moins partiellement, les représentations.
Pour Pascale Ribes, présidente d’APF France Handicap, ces résultats rappellent l’ampleur d’un problème structurel. Elle déplore la persistance de « préjugés profondément ancrés » dans le monde professionnel et appelle à une réponse politique et juridique plus robuste. Parmi ses propositions : créer un observatoire des discriminations en entreprise et reconnaître explicitement, dans la loi, le refus d’un aménagement raisonnable comme une forme de discrimination sanctionnable par une amende dissuasive. Une évolution législative qui viserait à mieux protéger les candidats et à contraindre les entreprises à dépasser les déclarations d’intention pour engager de véritables pratiques inclusives.
Sources :
Le Monde – « Emploi et handicap : un testing révèle des discriminations lors du recrutement » (14 novembre 2025) – lien