La capitale malienne traverse une crise sans précédent. Entre la flambée du prix du carburant, la pénurie d’essence et l’avancée du groupe djihadiste GSIM, Bamako vit au rythme de l’inquiétude. Si la ville n’est pas encore menacée d’une chute militaire, la junte malienne peine à rassurer, tandis que le soutien russe se révèle de plus en plus illusoire.
À Bamako, le quotidien est devenu une épreuve. Les stations-service ne désemplissent plus, les files d’attente s’étirent sur des kilomètres et les prix du carburant explosent. Alors que le litre d’essence est officiellement fixé à 775 francs CFA (environ 1,18 euro), il se revend aujourd’hui jusqu’à 2 000 francs CFA sur le marché noir, voire plus dans les zones périphériques. La capitale malienne, désormais presque isolée, vit sous tension, minée par la peur de l’asphyxie économique orchestrée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida.
Depuis plusieurs semaines, le GSIM impose des blocus sur les villes de Kayes et de Nioro, aux frontières du Sénégal et de la Mauritanie. Les convois de camions-citernes escortés par les Forces armées maliennes (FAMa) et les supplétifs russes de l’Africa Corps deviennent les seuls à pouvoir approvisionner la capitale. Cette tactique, inédite à une telle échelle, vise à fragiliser le pouvoir militaire en provoquant la colère des populations. “C’est la première fois que le GSIM applique une telle stratégie à Bamako”, relève la chaîne Al-Jazeera.
Ironie du sort, la crise actuelle trouve son origine dans une mesure gouvernementale censée affaiblir les djihadistes. En juillet, la junte a interdit la vente de carburant à petite échelle en dehors des stations officielles, pour couper l’approvisionnement des groupes armés. Mais cette politique a eu l’effet inverse : les réseaux informels se sont effondrés, désorganisant tout le marché intérieur. Résultat, les habitants subissent de plein fouet une pénurie sans précédent, qui paralyse les transports, l’électricité et l’activité économique.
Le site panafricain Tama Media souligne que le Mali, dépourvu de raffineries et entièrement dépendant des importations de pétrole, se trouve désormais à la merci des routes commerciales bloquées. “Lorsque le carburant vient à manquer, c’est tout le système qui vacille”, note le média. Dans les rues de Bamako, chaque goutte d’essence devient un bien précieux.
Pour Bloomberg, cette crise révèle surtout les failles d’un régime en perte de contrôle et d’un allié russe impuissant. “Les événements de Bamako montrent l’inefficacité de Moscou face à l’extrémisme au Sahel. Ni au Niger, ni au Burkina Faso, ni au Mali, la présence russe n’a permis d’enrayer la progression djihadiste.” La promesse d’une stabilité retrouvée, brandie par la junte après le départ des troupes françaises, s’éloigne à mesure que l’économie s’effondre.
Sur le plan géopolitique, la situation met à mal la crédibilité du trio sahélien formé par le Mali, le Niger et le Burkina Faso, regroupés dans une “Union des États du Sahel” depuis leur rupture avec la Cedeao. Pour Al-Jazeera comme pour Bloomberg, le GSIM ne cherche pas forcément à prendre Bamako par la force, mais à affaiblir progressivement le pouvoir central jusqu’à le rendre inopérant.
Dans une capitale encerclée, vidée de carburant et de confiance, la peur grandit. Les files d’attente s’allongent, les rumeurs circulent, et le sentiment d’impuissance s’installe. “Le GSIM peut ne pas s’emparer de la ville, mais l’emprise de la junte s’affaiblit, et cela commence à se voir”, conclut Bloomberg.
Cette situation témoigne une nouvelle foi des rapports conflictuels entre les djihadistes et les forces gouvernementales. En 2023, l’évacuation du camp de la MINUSMA à Ber, situé dans la région de Tombouctou, avait entrainé des affrontements alors que les djihadistes cohabitaient jusqu’ici avec les casques bleus.
Sources :
[Al-Jazeera – Mali’s capital faces fuel crisis amid jihadist pressure, novembre 2025]
[Tama Media – Mali : l’économie étranglée par la pénurie d’essence, octobre 2025]
[Bloomberg – Mali’s junta under pressure as jihadist siege tightens, novembre 2025]