Face à une explosion des troubles psychiques chez les jeunes, les autorités chinoises tirent la sonnette d’alarme. Pression scolaire, exigences familiales et dépendance au smartphone forment un cocktail dévastateur : près d’un quart des adolescents se livrent à des automutilations non suicidaires.
La santé mentale des jeunes Chinois s’impose comme un enjeu national majeur. Selon le site de vulgarisation scientifique Guoke, publié le 31 octobre, un adolescent sur quatre s’automutile aujourd’hui en Chine, un chiffre qui illustre la montée d’une détresse silencieuse dans une société où la réussite scolaire demeure une norme écrasante.
Le ministère de l’Éducation, conscient de l’ampleur du phénomène, a annoncé fin octobre une série de dix mesures inédites pour renforcer la prévention et le soutien psychologique dans les écoles. Ce plan prévoit notamment l’allègement de la pression académique, la limitation stricte des devoirs à domicile, l’interdiction des exercices « répétitifs et punitifs », la mise en place d’une journée hebdomadaire sans devoirs, ainsi que la suppression du classement des élèves selon leurs notes.
Cette réponse intervient après plusieurs rapports accablants. En 2023, le Rapport sur le développement de la jeunesse chinoise, mené par le Centre national de recherche sur la jeunesse et la Ligue de la jeunesse communiste, révélait que 30 millions d’enfants et d’adolescents souffraient de troubles émotionnels ou comportementaux. La télévision d’État CCTV rapportait alors des taux de dépression alarmants : 40 % chez les lycéens, 30 % chez les collégiens et 10 % chez les écoliers.
Les causes de ce malaise sont multiples. La pression familiale joue un rôle central : parents exigeants, compétition scolaire féroce et manque d’attention affective minent le bien-être psychologique des jeunes. Mais une autre menace, plus récente, inquiète les chercheurs : l’addiction au smartphone. D’après le Rapport sur le comportement des jeunes Chinois sur Internet (2024), les adolescents de 12 à 18 ans passent en moyenne 4,2 heures par jour sur leur téléphone. Plus de 70 % d’entre eux avouent se sentir anxieux ou irritables lorsqu’ils en sont privés.
Les effets sur le sommeil sont dramatiques. Une étude menée par l’Association chinoise de recherche sur le sommeil montre que les lycéens dorment en moyenne 6,5 heures par nuit, bien en deçà des huit heures recommandées. Près des deux tiers des jeunes interrogés déclarent rogner sur leurs heures de repos pour jouer, discuter en ligne ou regarder des séries.
La situation est encore plus préoccupante dans les zones rurales, où la pauvreté et l’isolement aggravent les troubles. Un rapport de l’Académie chinoise des sciences indique que trois enfants sur dix vivant à la campagne présentent un risque de dépression, contre une moyenne nationale de 14,8 %.
Face à ce constat, Pékin tente d’agir, entre campagne de sensibilisation et réforme éducative. Mais de nombreux observateurs, à l’image du blog Shuju Kaifang, estiment que la question dépasse le cadre scolaire : elle touche à la transformation d’une société hyperconnectée, compétitive et souvent dépourvue d’espaces de parole pour les jeunes. Dans un pays où la réussite reste la principale mesure de valeur, la santé mentale demeure encore un sujet tabou, mais de moins en moins évitable.
Sources :
Courrier International – « Santé mentale : en Chine, un adolescent sur quatre s’automutile » – Publié le 5 novembre 2025
CCTV, Guoke, Shuju Kaifang, Zhongguo Qingnian Bao – sources citées par Courrier International