Le gouverneur de Java-Ouest, Dedi Mulyadi, annonce une initiative controversée : rendre publique l’identité des fonctionnaires les moins performants sur les réseaux sociaux. Une méthode censée renforcer la transparence, mais jugée par beaucoup humiliante et inefficace.
Pour réformer l’administration provinciale, le gouverneur de Java-Ouest, Dedi Mulyadi, a choisi une méthode radicale : la dénonciation publique. Dès le mois prochain, il prévoit de publier sur les comptes Instagram, Facebook et X du gouvernement provincial la photo et le nom des agents considérés comme les plus “paresseux”, aux côtés d’une liste des employés les plus méritants.
L’objectif, assure-t-il, n’est pas de punir, mais de promouvoir la transparence et la responsabilité. “Nous ne punissons pas les gens, nous montrons simplement ce que signifie servir avec intégrité”, a déclaré Dedi Mulyadi, cité par le Jakarta Globe.
Une stratégie populiste et punitive
Le gouverneur, connu pour son style populiste et ses provocations, n’en est pas à son premier coup d’éclat. Plus tôt cette année, il avait suscité la polémique en envoyant des élèves indisciplinés dans des camps d’entraînement paramilitaires et en proposant de conditionner les aides sociales à la vasectomie, au nom d’une politique de maîtrise de la natalité.
Cette fois, la “liste des paresseux”, comme l’ont surnommée plusieurs médias indonésiens, repose selon les autorités sur des critères “strictement objectifs” : taux d’assiduité, rendement, respect des délais et résultats. Chaque mois, le Bureau de la réforme bureaucratique dressera le classement, qui pourra déboucher sur des sanctions, voire des licenciements. “Tout le monde n’est pas nécessaire dans un bureau”, a tranché le gouverneur.
Une mesure qui divise
L’annonce a provoqué un vif débat dans le pays. Ses partisans saluent une tentative courageuse de moderniser une bureaucratie souvent jugée lente et inefficace. Ses détracteurs, en revanche, dénoncent une atteinte à la vie privée et redoutent une dérive vers la stigmatisation publique. Plusieurs experts craignent aussi que l’initiative n’alimente le harcèlement en ligne à l’encontre des fonctionnaires visés.
Pour le magazine The Diplomat, la démarche révèle surtout une illusion technocratique : celle de croire qu’un système “fondé sur les données” garantit l’objectivité. “Les économies planifiées communistes ont mis du temps à comprendre que l’obsession des résultats mesurables conduit surtout à la fraude”, rappelle le média, estimant que “juger chaque fonctionnaire sur sa ‘paresse’ ne produira pas plus d’efficacité, mais des employés occupés à paraître productifs”.
Entre quête de performance et exhibition punitive, la réforme de Dedi Mulyadi illustre les tensions croissantes autour de la gouvernance publique en Indonésie, où la modernisation de l’État se heurte encore à des méthodes autoritaires et spectaculaires.
Source : Courrier international.