Au lendemain de la formation de son gouvernement, Sébastien Lecornu a annoncé sa démission, invoquant l’impossibilité de gouverner dans un contexte d’instabilité parlementaire. Dans une déclaration empreinte de gravité, l’éphémère premier ministre est revenu sur ces dernières heures , entre tentatives de compromis et désillusion face aux blocages politiques.
« Être Premier ministre est une tâche difficile, sans doute encore un peu plus difficile en ce moment », a reconnu Sébastien Lecornu en annonçant sa démission. Sa déclaration, prononcée ce lundi matin depuis l’Hôtel de Matignon, résonne comme un constat d’impuissance face à un système politique en crise. Trois semaines seulement après sa nomination, le plus jeune chef de gouvernement de la Ve République quitte ses fonctions, estimant que « les conditions n’étaient plus réunies » pour gouverner.
Dans un discours à la tonalité sobre mais lucide, Sébastien Lecornu a décrit le cheminement qui l’a conduit à cette décision. Il a évoqué les efforts entrepris pour bâtir une majorité capable de faire adopter le budget de l’État, de la Sécurité sociale et de répondre à plusieurs urgences nationales — sécurité, pouvoir d’achat, emploi ou encore la Nouvelle-Calédonie. « J’ai tenté de bâtir les conditions d’un consensus », a-t-il expliqué, soulignant les nombreuses consultations menées avec les partenaires sociaux, les syndicats et les formations politiques, qu’elles appartiennent au “ socle commun” ou à l’opposition.
Mais ce travail de terrain n’a pas suffi, constate-t-il. Lecornu admet avoir rencontré une impasse politique : « Chaque parti veut que l’autre adopte l’intégralité de son programme. Il faut changer d’état d’esprit. » Dans une phrase lourde de sens, il fustige une classe politique qui continue d’agir « comme si elle détenait la majorité absolue à l’Assemblée nationale ».
L’ancien Premier ministre évoque également les difficultés internes à la formation de son gouvernement, miné par des rivalités partisanes et des calculs présidentiels : « La composition du gouvernement n’a pas été fluide et a réveillé quelques appétits liés à la future élection présidentielle. » Une allusion aux tensions entre la majorité et ses alliés de droite, exacerbées par le retour de Bruno Le Maire aux Armées — un choix qui a précipité la rupture avec Les Républicains.
Dans son discours, Sébastien Lecornu a aussi revendiqué un certain esprit gaullien, citant implicitement Michel Debré et le général de Gaulle pour justifier son refus de recourir une nouvelle fois à l’article 49.3 de la Constitution. Selon lui, « il ne servait à rien de donner l’impression que les débats n’iraient pas jusque-là ».
Mais loin d’un simple constat d’échec, Lecornu a voulu livrer un message d’espérance et d’humilité : « Il suffirait de peu pour que cela fonctionne », a-t-il affirmé. Appelant à plus de désintéressement, d’effacement des ego et de sens de l’intérêt général, il a exhorté les forces politiques à « préférer le pays à leur parti ». Un tacle sans doute adressé à Bruno Retailleau.
Cette démission, la troisième d’un chef de gouvernement en deux mois, plonge un peu plus la Ve République dans l’incertitude. Alors que le président Emmanuel Macron se retrouve sans Premier ministre et sans majorité stable, les marchés réagissent déjà à la baisse et les appels à la dissolution de l’Assemblée nationale se multiplient.