Le Premier ministre a annoncé la fin des avantages « à vie » accordés aux anciens locataires de Matignon à compter du 1ᵉʳ janvier 2026. Ce tour de vis, très symbolique, vise surtout la voiture avec chauffeur et la protection policière illimitée.
Derrière la formule choc, la réalité administrative est précise. Les anciens Premiers ministres disposent aujourd’hui d’une série de facilités, héritées de pratiques anciennes et de textes plus récents. D’abord, une indemnité équivalente à leur traitement est maintenue pendant trois mois après la fin des fonctions, à condition de ne pas exercer d’activité rémunérée et d’avoir satisfait aux obligations déclaratives auprès de la HATVP. Il n’existe en revanche aucune « retraite de Premier ministre » : comme tout agent public contractuel, un chef de gouvernement cotise au régime général et à la complémentaire des non-titulaires.
Autre avantage, longtemps considéré comme « à vie » et resserré depuis 2019 : un agent de secrétariat peut être mis à disposition pendant dix ans après le départ de Matignon, sans aller au-delà du 67ᵉ anniversaire et sous réserve de ne pas bénéficier déjà d’un secrétariat lié à une autre fonction publique (maire, président d’autorité, etc.). Le décret de 2019 a mis fin au secrétariat illimité et a accordé, pour les ex-Premiers ministres sortis avant son entrée en vigueur, une prolongation transitoire jusqu’en 2029, ce qui explique que des responsables dont les mandats datent des années 1980-1990 y aient encore droit.
Reste le cœur de la polémique : la voiture de fonction avec chauffeur, tenue pour « à vie » dès lors qu’elle n’est pas déjà fournie au titre d’un autre mandat, et la protection policière sans limitation de durée, issue d’un usage républicain non écrit mais appliqué de façon quasi systématique. En 2019, la seule protection des ex-Premiers ministres était évaluée à 2,8 millions d’euros ; en y ajoutant secrétariats et véhicules, l’enveloppe globale atteignait 4,4 millions d’euros par an.
C’est précisément ce socle que Sébastien Lecornu veut plafonner dans le temps : fin des « avantages à vie » au 1ᵉʳ janvier 2026, limitation et reconduction de la protection policière selon le niveau de menace, encadrement de la mise à disposition des moyens matériels (voiture avec chauffeur, secrétariat). L’argument avancé est celui de l’exemplarité budgétaire et d’un alignement sur une logique de risque actualisé plutôt que de droit perpétuel.
Et les anciens ministres ? Contrairement aux idées reçues, ils ne disposent d’aucun avantage « à vie ». Ils perçoivent, comme les ex-Premiers ministres, leur indemnité pendant trois mois dans des conditions identiques, ne cotisent pas à l’assurance-chômage et n’ont pas de retraite spécifique. Certains peuvent bénéficier d’une protection rapprochée, notamment les ex-ministres de l’intérieur, mais elle est décidée au cas par cas par les autorités et n’a pas vocation à être illimitée — c’est aussi ce point que Matignon entend désormais limiter et conditionner formellement au risque.
Au total, la réforme annoncée cible donc des facilités liées aux anciens Premiers ministres — voiture avec chauffeur et protection policière sans borne temporelle — en les transformant en dispositifs temporaires, révisables et proportionnés à la menace. Elle doit également clarifié, côté ex-ministres, qu’aucun « privilège à vie » n’existe et que la protection d’après-mandat relève d’une évaluation de sécurité, non d’un statut.
Sources :
Le Monde – « Quels sont “les avantages à vie” des ex-ministres dont Sébastien Lecornu a annoncé la suppression ? » – 16 septembre 2025 – Le Monde.fr
Le Monde (avec AFP) – « Sébastien Lecornu annonce la fin des “avantages à vie” des ex-membres du gouvernement au 1ᵉʳ janvier 2026 » – 15-16 septembre 2025 – Le Monde.fr
TV5MONDE – « Lecornu va mettre fin aux “avantages à vie” des ex-ministres dès 2026 » – 16 septembre 2025 – TV5MONDE Information
LCP – « Voiture, sécurité… Lecornu annonce la fin des avantages à vie des anciens » – 16 septembre 2025 – LCP-Assemblée nationale