Dans une interview accordée au journal Le Monde le 7 septembre 2025, le journaliste et éditorialiste politique Alain Duhamel dresse un constat sombre de la vie politique française. Selon lui, la situation est « pire qu’en 1958 », époque de la chute de la IVᵉ République et du retour du général de Gaulle. La différence, souligne-t-il, est qu’aujourd’hui aucune figure alternative claire n’émerge, tandis que la France affronte en plus une crise économique et budgétaire profonde.
Pour Alain Duhamel, la France traverse simultanément une crise de régime et une crise de société. Le rejet des institutions et des partis atteint un niveau inédit, laissant place à la tentation dangereuse d’une « démocratie d’opinion ». L’éditorialiste met aussi en cause les erreurs d’Emmanuel Macron, notamment la dissolution de 2024 qu’il juge « d’humeur » et incompréhensible. Il fustige également l’irresponsabilité des oppositions, comme celle d’un centre fragmenté et désinvolte.
François Bayrou, un centriste en échec
Alain Duhamel souligne le mérite de François Bayrou d’avoir alerté l’opinion sur la gravité de la situation, mais il estime que le Premier ministre sortant a accumulé les erreurs tactiques : absence de négociation, manque de dialogue, incapacité à jouer son rôle de passerelle entre les blocs politiques. Pour Duhamel, « Bayrou n’a pas fait du Bayrou ».
Dissolution, gouvernement technique et réforme des institutions
Interrogé sur l’avenir, Alain Duhamel avertit qu’une dissolution de l’Assemblée nationale risquerait d’ouvrir la voie à un gouvernement dominé par le Rassemblement national. Il évoque aussi l’option d’un gouvernement technique à l’italienne, mais considère que ce serait une solution transitoire. S’il ne plaide pas pour un changement de République, il suggère des améliorations institutionnelles : un mode de scrutin inspiré de l’Allemagne et un retour au septennat unique, jugeant le quinquennat responsable d’une instabilité chronique.
Une voix d’influence issue du Club Le Siècle
Au-delà de ses propos, il est important de rappeler qu’Alain Duhamel, figure majeure du paysage médiatique depuis les années 1970, est membre du Club Le Siècle, un cénacle parisien fondé par des francs-maçons après-guerre, réunissant responsables politiques, hauts fonctionnaires, dirigeants économiques et journalistes influents. Ce réseau d’élite, souvent critiqué pour son opacité, lui offre une place singulière dans l’observation et l’interprétation de la vie politique française.
Avec cette interview, Alain Duhamel confirme sa réputation d’observateur intransigeant de la vie politique française. Son constat alarmiste sur la crise institutionnelle et sociale s’accompagne d’une mise en garde : sans réforme du système et sans leadership crédible, la France risque de rester enfermée dans une instabilité durable.