Le chroniqueur de France Inter et de Libération a été suspendu à titre conservatoire après la diffusion d’un enregistrement dans lequel il affirme « faire ce qu’il faut » contre Rachida Dati dans la course à la mairie de Paris. La ministre de la culture demande des sanctions, mettant en cause également le journaliste Patrick Cohen.
L’affaire a éclaté vendredi 5 septembre au soir. France Inter a annoncé la suspension immédiate de Thomas Legrand, voix emblématique de la station, à la suite de la publication par le mensuel L’Incorrect d’une vidéo tournée à son insu. Dans cet enregistrement, réalisé en juillet dans un restaurant parisien, le journaliste déclare : « Nous, on fait ce qu’il faut pour Dati, Patrick [Cohen] et moi », en référence à la candidature de Rachida Dati (Les Républicains) à la mairie de Paris.
La séquence, qui montre Thomas Legrand attablé aux côtés de Patrick Cohen et de deux cadres du Parti socialiste, Pierre Jouvet et Luc Broussy, a immédiatement suscité une vague de réactions. Présentée comme une discussion informelle, cette conversation soulève pourtant de lourdes interrogations sur la déontologie journalistique, en brouillant la frontière entre engagement politique et indépendance professionnelle.
Rachida Dati n’a pas tardé à réagir. Sur X (ex-Twitter), la maire du 7ᵉ arrondissement de Paris a dénoncé « des propos graves et contraires à la déontologie », estimant qu’ils « peuvent exposer à des sanctions ». Elle a exhorté les directions de médias concernés à « prendre leurs responsabilités », visant non seulement Thomas Legrand mais aussi Patrick Cohen, également chroniqueur pour France Télévisions et France Inter.
Interrogé par l’AFP, Thomas Legrand a contesté toute intention d’ingérence politique : « Mon travail est de combattre les mensonges de Mme Dati et son attitude face à la presse. Je ne la combats pas politiquement », a-t-il affirmé, sans commenter directement sa suspension.
Cette polémique intervient dans un climat politique déjà tendu. Candidate investie par Les Républicains fin août 2025, Rachida Dati revient sur le devant de la scène municipale, malgré son renvoi devant le tribunal correctionnel pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire Carlos Ghosn. Un contexte judiciaire qui n’empêche pas la ministre de la culture de mener campagne, et qui rend d’autant plus explosive toute interférence perçue des médias publics.
La suspension de Thomas Legrand met désormais France Inter face à un enjeu crucial de crédibilité, à l’heure où la confiance du public envers les médias est mise à rude épreuve, tandis que Rachida Dati pourrait tirer partie de la situation en se victimisant.
Par ailleurs, lors de la conversation dont les images ont fuité, Thomas Legrand, évoque d’autres hypothèses, comme une candidature qui irait de François Ruffin au macroniste et ex-écologiste Pascal Canfin. La seule capable, selon lui, de réunir les électeurs de gauche (hors LFI) et ceux du centre droit. Legrand affirme que François Ruffin et Pascal Canfin “s’entendent plutôt bien”, et considère Raphaël Glucksmann comme le candidat le plus crédible pour incarner cet espace politique. Une analyse qui a fait réagir Jean-Luc Mélenchon. “Deux journalistes au service du PS, Thomas Legrand et Patrick Cohen, complotent pour promouvoir un axe ‘de Ruffin à Canfin’ autour de Glucksmann. La caste choisit ses masques politiques”, a dénoncé sur X le fondateur de La France insoumise.
Dans un autre extrait, on voit Patrick Cohen critiquer les positions du RN sur l’énergie tandis que Thomas Legrand souligne partager avec Le Figaro un minimum de déontologie, contrairement, selon lui, aux médias du groupe Bolloré.
Sources :
Le Monde – « Le journaliste Thomas Legrand suspendu par France Inter après des propos sur Rachida Dati révélés par une vidéo » – 6 septembre 2025 – lien
