Un rapport accablant de l’ONG Cristosal pointe les dérives sécuritaires du gouvernement hondurien, sous couvert d’un état d’urgence prolongé à 19 reprises depuis fin 2022. Arrestations arbitraires, militarisation excessive et violences contre la population nourrissent une insécurité toujours palpable.
Près de trois ans après son instauration, l’état d’urgence en vigueur au Honduras continue de susciter l’inquiétude des défenseurs des droits humains. Ce jeudi 14 août, l’ONG Cristosal a publié un rapport sévère à l’encontre de la politique sécuritaire menée par la présidente Xiomara Castro. Initialement décrétée en décembre 2022 pour lutter contre la criminalité et les réseaux mafieux, cette mesure d’exception a été prorogée à 19 reprises, souvent sans aval parlementaire.
S’inspirant directement du modèle instauré au Salvador par Nayib Bukele, le gouvernement hondurien a opté pour une réponse musclée aux violences liées aux maras et gangs. Sur le plan statistique, la stratégie semble porter ses fruits : le ministre de la sécurité, Gustavo Sánchez, affirme une baisse de 25 % des homicides en 2024, pour atteindre 26,8 pour 100 000 habitants – un chiffre historiquement bas, selon les autorités. Pourtant, les critiques s’intensifient.
Selon le rapport de Cristosal, l’état d’urgence a contribué à une “perception accrue d’insécurité” parmi la population. L’ONG recense de multiples cas d’abus, de violences policières, de traitements dégradants, voire de torture, dans un climat de quasi-impunité. Entre décembre 2022 et avril 2025, pas moins de 924 plaintes ont été déposées auprès du Commissaire national des droits humains du Honduras.
Cristosal dénonce notamment les détentions sans mandat, permises par le décret d’exception, et la forte présence militaire dans les rues, éléments caractéristiques d’un État de plus en plus autoritaire. Elle souligne aussi l’impact social de ces dérives sécuritaires : fermeture de commerces, sentiment d’abandon dans les quartiers populaires et persistance des extorsions.
En effet, malgré l’arsenal répressif, les maras n’ont pas disparu. “Les petits commerces ont fermé par peur, et la taxe imposée par les gangs continue à être collectée dans l’impunité la plus totale”, alerte l’organisation. Ce contraste entre les chiffres officiels et la réalité de terrain remet en cause l’efficacité réelle de l’état d’urgence, au-delà des effets d’annonce.
Cristosal n’est pas inconnue au Honduras. Déjà active au Salvador, elle a été contrainte à l’exil pour avoir dénoncé les pratiques autoritaires du président Bukele. Son retour dans le débat hondurien confirme la montée des inquiétudes face à une tendance régionale à la “militarisation de la sécurité” au détriment des droits fondamentaux.
Au Honduras comme au Salvador, la stratégie sécuritaire semble osciller entre efficacité statistique et brutalité systémique. Mais à quel prix démocratique ?
Source : Le Monde, 14 août 2025, rapport de l’ONG Cristosal.