Le gouvernement israélien, par la voix du ministre Bezalel Smotrich, relance un projet majeur de colonisation en Cisjordanie, visant à séparer Jérusalem-Est des territoires palestiniens. Une initiative perçue comme une réponse frontale à la reconnaissance croissante d’un État palestinien sur la scène internationale.
Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a franchi un nouveau cap dans sa politique d’implantations en Cisjordanie occupée. Le jeudi 14 août 2025, Bezalel Smotrich, ministre israélien des Finances et figure de l’extrême droite, a officiellement annoncé la relance du projet E1, gelé depuis des années en raison des pressions diplomatiques. Ce plan prévoit la construction de 3 400 logements entre la colonie de Maale Adumim et Jérusalem-Est, dans un corridor stratégique qui couperait les continuités territoriales palestiniennes entre Ramallah et Bethléem.
Smotrich a revendiqué cette décision comme une réponse directe aux annonces récentes de plusieurs puissances occidentales – dont la France, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie – exprimant leur volonté de reconnaître un État palestinien lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre. “Ceux qui veulent reconnaître un État palestinien recevront une réponse de notre part sur le terrain, par des faits concrets”, a-t-il déclaré devant les médias, appelant à l’annexion pure et simple de la Cisjordanie, rebaptisée “Judée-Samarie” dans le lexique biblique utilisé par les nationalistes israéliens.
Le projet E1, qualifié de “controversé” même dans la presse israélienne, est considéré comme un point de rupture dans le fragile équilibre géopolitique de la région. Selon le quotidien Ha’Aretz, il porterait un coup fatal à toute perspective de solution à deux États, déjà moribonde depuis l’intensification des violences en Cisjordanie et à Gaza.
La réaction internationale n’a pas tardé. L’ONU, les pays arabes et plusieurs gouvernements européens ont condamné la décision. Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, a rappelé que “les colonies sont contraires au droit international” et a exhorté Israël à revenir sur son plan. Les Palestiniens, par la voix de Nabil Abou Roudeineh, ont dénoncé une “poursuite de la guerre génocidaire” dans la région, pointant le risque d’une nouvelle escalade incontrôlable.
Le mouvement islamiste Hamas a pour sa part dénoncé une “mesure criminelle”, accusant Israël de vouloir isoler définitivement Jérusalem-Est du reste des territoires palestiniens. Plusieurs ONG israéliennes telles que Peace Now, Ir Amim et l’Association for Environmental Justice ont également mis en garde contre la destruction du dernier corridor reliant les grandes villes palestiniennes. “C’est la dernière réserve foncière entre Ramallah, Jérusalem-Est et Bethléem, où vivent un million de Palestiniens”, ont-elles rappelé.
Sur le terrain, les effets de la colonisation sont déjà visibles. Selon le Wall Street Journal, l’actuel enchevêtrement de colonies et de routes de contournement israéliennes fragmente le territoire palestinien, rendant impossible toute forme de souveraineté continue. Les check-points, les retards interminables et la violence des colons – en nette hausse depuis le début de la guerre à Gaza – compliquent encore davantage le quotidien des Palestiniens.
Historiquement, le projet E1 avait été gelé en 2022, sous la pression des États-Unis. Mais sous la présidence de Donald Trump, la diplomatie américaine s’est montrée bienveillante envers les ambitions territoriales israéliennes. L’ambassadeur américain à Tel-Aviv, Mike Huckabee, a rappelé récemment que “la présence israélienne en Judée-Samarie n’est pas considérée comme une violation du droit international”. Une déclaration révélatrice d’un basculement stratégique à Washington, qui affaiblit considérablement la capacité des Nations unies à peser dans le dossier.
Alors que l’échéance onusienne de septembre approche, la relance du projet E1 pourrait cristalliser une nouvelle crise diplomatique. En Cisjordanie, elle menace aussi d’allumer une poudrière déjà prête à exploser.
Source : Courrier international.