À l’occasion du triste 40ᵉ anniversaire de l’affaire Grégory Villemin, deux bandes dessinées sont sorties simultanément en librairie, retraçant chacune à sa manière cette tragédie qui a marqué l’histoire judiciaire française. « Grégory », publiée aux éditions Les Arènes, et « Le Corbeau », sortie aux éditions Petit à Petit, offrent des perspectives différentes mais complémentaires sur ce fait divers, encore non élucidé à ce jour.
Le 16 octobre 1984, Grégory Villemin, âgé de 4 ans, est retrouvé noyé dans la Vologne, une rivière des Vosges. Ce crime tragique bouleverse la France et entraîne une enquête judiciaire chaotique. Ses parents, Jean-Marie et Christine Villemin, sont pris dans une tempête médiatique et judiciaire qui mettra leur amour et leur force mentale à l’épreuve pendant des décennies.
Après l’assassinat de leur fils, le couple est plongé dans une série de drames successifs. Jean-Marie Villemin, convaincu que son cousin Bernard Laroche est coupable, tue ce dernier en mars 1985. Christine, quant à elle, est injustement accusée du meurtre de son propre fils et passera onze jours en prison avant d’être totalement innocentée en 1993. La haine médiatique, l’enquête bâclée et les accusations publiques la plongent dans une immense douleur, lui faisant même perdre un enfant à naître.
Malgré ces épreuves, Jean-Marie et Christine Villemin n’ont jamais cessé de se soutenir. Ensemble, ils ont refait leur vie, et son désormais parents de trois enfants. L’amour qui les unit, ainsi que leur persévérance, leur a permis de résister à l’immense pression publique et judiciaire.
« Grégory » : L’histoire intime de la famille Villemin
La première bande dessinée, « Grégory », publiée le 3 octobre et préfacée par Jean-Marie Villemin, dévoile les émotions le vécu du père du petit garçon, à la fois en tant que père en deuil et en tant qu’homme ayant pris la vie de son cousin Bernard Laroche. « J’ai craqué, j’ai pris la vie de mon cousin, je resterai à jamais un assassin. Je le regrette tant », confie Villemin.
Le scénariste Pat Perna, en collaboration avec Jean-Marie Villemin, raconte l’histoire avec une approche plus émotionnelle que factuelle. Illustrée par Christophe Gaultier, la bande dessinée se concentre sur la relation entre Jean-Marie, Christine Villemin et leur fils Grégory, tout en évoquant le procès de 1993 de Jean-Marie pour le meurtre de son cousin. Plutôt que de revenir sur les détails du crime, « Grégory » met l’accent sur l’amour familial et la douleur immense des parents face à cette tragédie.
« Le Corbeau » : Une approche documentaire
L’autre bande dessinée, « Le Corbeau », adopte une approche très différente. Publiée le 2 octobre, cette œuvre plonge dans les méandres de l’enquête judiciaire qui a suivi la découverte du corps de Grégory. Scénarisée par Tristan Houllemare et Béatrice Merdrignac, et illustrée par Grégory Lé, « Le Corbeau » se présente comme une enquête détaillée, à la manière d’un « true crime ».
À travers des chapitres structurés chronologiquement, cette bande dessinée décortique les faits, allant de la découverte du corps en 1984 aux premières lettres et appels du mystérieux corbeau, en passant par les divers rebondissements judiciaires, tels que l’arrestation de Murielle Bolle et le suicide du juge Jean-Michel Lambert. Des outils d’analyse sont proposés aux lecteurs, notamment des cartes, des arbres généalogiques et des frises chronologiques, pour mieux comprendre cette enquête complexe.
Si « Grégory » se veut un hommage personnel et intime à la mémoire du petit garçon et à sa famille, « Le Corbeau »offre une vision factuelle et détaillée de l’affaire, permettant aux lecteurs de suivre pas à pas les principaux éléments de l’enquête. Ces deux bandes dessinées, bien que différentes dans leur approche, se complètent et apportent des éclairages uniques sur ce fait divers qui, 40 ans après, continue de troubler. En mars dernier, la justice a ordonné de nouvelles expertises, à la demande de Christine et Jean-Marie Villemin, dans le but d’authentifier la voix du corbeau sur plusieurs enregistrements.
Quarante ans après le drame, la vérité sur le meurtre de Grégory reste floue. Des avancées en matière d’analyses ADN sont encore en cours, mais les chances de découvrir le ou les coupables s’amenuisent avec le temps. L’État français a reconnu ses erreurs et a été condamné pour les nombreuses fautes commises au cours de l’enquête. Les parents de Grégory, bien qu’affaiblis par le poids des années, continuent à espérer que la lumière sera faite un jour sur cette affaire.