La tension est montée d’un cran ce mercredi 31 janvier entre les agriculteurs et le gouvernement, malgré les tentatives de l’exécutif de calmer les esprits. Les manifestations d’agriculteurs, déterminés à se faire entendre, ont convergé vers des points névralgiques, comme Rungis, symbolisant leur frustration et leur désespoir face à une situation qu’ils jugent de plus en plus intenable.
Dans la matinée, un convoi de tracteurs a marqué son passage entre Vierzon et Orléans, avant de reprendre sa route vers Paris, visant spécifiquement le marché de gros de Rungis, vital pour l’approvisionnement de l’Ile-de-France. Ce mouvement n’est pas isolé, puisqu’une progression similaire est observée vers Lyon, avec un blocage stratégique de l’A89, soulignant la détermination des agriculteurs à faire entendre leur voix.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a quantifié l’étendue des mobilisations : plus de 100 points de blocage et environ 10 000 manifestants. Sa politique de laisser-faire soulève des questions, surtout avec sa directive aux agriculteurs de ne pas entrer dans Paris ni bloquer Rungis ou les aéroports, tout en avertissant d’une intervention ferme si ces lignes rouges étaient franchies.
Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, a tenté d’apaiser les tensions en annonçant une enveloppe de 80 millions d’euros pour les viticulteurs, et une « prime à l’arrache » de 150 millions d’euros, signes d’une volonté gouvernementale d’apaisement.
Marc Fesneau a exprimé sur Sud Radio, dans la matinée son optimisme quant à l’annonce par la Commission européenne de possibles exemptions sur les terres en jachère, qui sont inetervenus plus tard dans la journée. En outre, la Commission a prolongé, dès juin, la suspension des droits de douane pour les importations de produits agricoles dans l’UE, tout en introduisant des «mesures de sauvegarde» afin de restreindre les quantités des produits les plus vulnérables. Les producteurs de céréales français ont réclamé la réintroduction de droits de douane au-delà d’un certain volume d’importations en provenance d’Ukraine, exprimant leur profonde déception mercredi face à l’exclusion des céréales de la liste des produits «sensibles» de Bruxelles.
Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, a déclaré mercredi que la France se préparait à mener une lutte déterminée lors des pourparlers à Bruxelles, afin d’empêcher la signature de l’accord UE-Mercosur dans sa forme actuelle. La Confédération paysanne a été reçue par le premier ministre, dans la matinée.
Lors de son audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a affirmé qu’il tentait de promouvoir le calme et la rationalité parmi les agriculteurs frustrés, dans un contexte où les tensions montaient aux différents points de blocage.
Face à l’arrivée de tracteurs au marché de gros de Rungis, le ministre de l’Intérieur a annoncé l’envoi de renforts, y compris de véhicules blindés, dans les départements de l’Essonne et du Loiret pour bloquer l’accès au marché.
En anticipation d’un Conseil européen extraordinaire à Bruxelles concernant la crise agricole, des agriculteurs français et belges ont bloqué une partie de la frontière entre les deux pays.
L’escalade de la situation a conduit à l’interpellation de 18 personnes près de Rungis dans la matinée.
Suite à une nouvelle intrusion et des dégradations, 79 personnes ont été interpellées plus tard dans la journée, un nombre réévalué à par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez. Ces personnes ont été placées en garde à vue. Le préfet a souligné la gravité de l’intrusion et des dégradations, rappelant que de telles actions étaient considérées comme des lignes rouges par le ministère de l’Intérieur.
Finalement, la garde à vue des quinze agriculteurs qui avaient été arrêtés dans la matinée a été levée dans la soirée après leurs auditions.
La Confédération paysanne a déclaré mener des actions de blocage sur quatre sites reliés à des plateformes logistiques, situés dans les départements de la Loire-Atlantique, de l’Isère, du Vaucluse, et du Cher.
A la veille d’un Conseil européen extraordinaire, la question demeurait : le gouvernement parviendra-t-il à apaiser les tensions, ou assisterons-nous à une escalade des actions ? Les agriculteurs, piliers de l’alimentation française et européenne, réclament des réponses concrètes et un soutien à la hauteur des défis qu’ils affrontent. La situation, à l’image d’un printemps précoce, semble prête à éclore en un été de manifestations, dont l’issue reste incertaine.