Le ministre des Armées Sébastien Lecornu et le ministre de l’Economie Éric Lombard se sont rendus à Bergerac ce jeudi pour inaugurer ce la première des quatre lignes de production de poudre gros calibre pour système d’artillerie de l’usine Eurenco de Bergerac. Les ministres ont réaffirmé leur engagement en faveur du financement de l’industrie de défense française. Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et les nouvelles priorités géopolitiques, ils ont insisté sur l’impératif de souveraineté militaire et industrielle pour garantir la sécurité du pays.
La poudrerie de Bergerac renoue avec son activité historique. Eurenco, entreprise spécialisée dans la fabrication de charges modulaires destinées à la propulsion des obus et détenue à 100 % par l’État, via la Société nationale des poudres et des explosif dont les activités militaires ont été reprises par ArianeGroup et Nexter, a relocalisé sa production de poudre sur le site. Un premier essai pyrotechnique a été réalisé mercredi, marquant une étape clé dans cette renaissance industrielle. L’annonce a été officialisée ce jeudi lors de l’inauguration des nouvelles infrastructures. Quinze nouveaux bâtiments ont été construits en seulement neuf mois, illustrant l’accélération du réarmement industriel français.
Sébastien Lecornu a ouvert son intervention en saluant le dynamisme des équipes industrielles françaises, mettant en avant leur implication dans l’augmentation des cadences de production. Le ministre a dénoncé l’erreur stratégique du début des années 2000, lorsque la France s’est séparée de ses capacités de production de poudre, une ressource essentielle pour l’armement. Il a souligné que cette situation avait rendu le pays dépendant de fournisseurs étrangers, y compris hors de l’Union européenne, une référence à la Chine du contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Xi Jinping.
L’ouverture d’une nouvelle unité de production à Bergerac vient selon lui, corriger cette anomalie et réaffirmer la souveraineté nationale. Avec une capacité annuelle de 100 000 obus, la France passe d’une production quasi inexistante en 2007 à une autosuffisance stratégique, a-t-il souligné. Pour le ministre des Armées, ce renouveau industriel s’inscrit dans un effort global de réarmement, qui prend en compte les besoins de l’armée française mais aussi l’exportation vers des alliés.
Eurenco table en effet sur une production de 1.800 tonnes de poudre produites à Bergerac par an, dont 70% seront exportées.
Un modèle économique qui profite aux territoires
Lecornu a insisté sur le fait que la défense nationale n’est pas un simple outil d’aménagement du territoire, mais un moteur puissant de développement économique local. À Bergerac, l’essor de la production militaire a déjà entraîné la création de 500 emplois, auxquels s’ajouteront 50 nouveaux postes avec l’expansion des capacités de production.
Les impacts vont au-delà de l’industrie de défense : un plan de construction de 1 000 logements, des initiatives de formation professionnelle et une montée en compétences des travailleurs locaux accompagnent cette transformation. Lecornu rappelle que le modèle français de défense, hérité de de Gaulle et Mitterrand, permet de garantir que chaque euro investi reste en France, contrairement à d’autres pays européens où les achats de matériel sont souvent externalisés.
Un financement stratégique entre autofinancement et soutien public
L’un des points clés de la visite concernait le financement du secteur de la défense, un enjeu majeur alors que la France s’apprête à valider 45 milliards d’euros de commandes pour les capacités militaires en 2024.
Éric Lombard, passé par BNP Paribas, le groupe bancaire membre du Forum économique mondia a expliqué que l’autofinancement des industries de défense devient une nécessité dans un contexte où les carnets de commandes se remplissent. Cependant, il a également souligné l’importance des outils de financement public et européen, citant en exemple le plan ASAP (Acte de Soutien à la Production d’Armement)initié par Thierry Breton, qui permet d’accélérer les investissements en faveur de l’industrie de défense.
Selon Lecornu, près de 48 millions d’euros de subventions européennes ont été mobilisés pour soutenir l’industrie militaire française, un chiffre qui souligne l’importance du soutien de l’UE dans la stratégie de réarmement.
Une réconciliation entre le monde de la finance et l’industrie de défense
Lombard a insisté sur la nécessité d’unir le monde de la finance et celui de la défense. Il a rappelé que si l’industrie militaire repose sur des commandes publiques, elle est aussi composée d’entreprises privées qui nécessitent des financements spécifiques, alors que le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron a annoncé une nouvelle commande de Rafales à Dassault Aviation, le groupe membre du FEM.
L’un des grands enjeux de cette rencontre était de lever une ambiguïté : le financement de la défense est-il compatible avec les critères d’investissement responsable et de développement durable ? Pour Lombard, la réponse est oui. Il a affirmé que protéger la souveraineté et la démocratie est l’investissement le plus socialement responsable qui soit, un message qui a été largement applaudi par les industriels et les financiers présents.
Cette déclaration marque un tournant dans l’intégration de l’industrie de défense dans les stratégies financières à long terme, notamment en matière d’investissements bancaires et de gestion d’actifs.
Un tournant pour la souveraineté française
Au-delà des annonces budgétaires et industrielles, la visite à Bergerac incarne une transformation profonde de la politique de défense française.
Lombard et Lecornu ont rappelé que cet effort n’est pas seulement un choix militaire, mais aussi une décision économique et sociale. La réindustrialisation de la défense permet selon eux de stabiliser les territoires, de créer des emplois de qualité et de garantir l’indépendance du pays face aux défis géopolitiques à venir.