Lors de leur audition devant la commission d’enquête parlementaire sur TikTok, cinq influenceurs jugés controversés ont tenté de justifier leurs stratégies de contenus choquants, confirmant les dérives croissantes de la plateforme en matière de modération.
Cinq créateurs de contenus très suivis sur TikTok — AD Laurent, Alex Hitchens, Nasdas, Romain A. et Mehdi Guelzim — ont été entendus le mardi 10 juin 2025 par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale consacrée à l’influence du réseau social chinois sur les jeunes. Cette session ciblait les pratiques problématiques d’influenceurs accusés de promouvoir des contenus violents, dégradants, voire illégaux.
UNE AUDITION POUR MIEUX COMPRENDRE L’ALGORITHME TIKTOK
La commission d’enquête a été créée le 6 février 2025, à l’initiative du député Renaissance Paul Midy, afin d’étudier l’impact de TikTok sur la santé mentale et les comportements à risque chez les jeunes utilisateurs. Après avoir reçu des représentants de la plateforme en mai, les députés ont souhaité entendre des figures populaires du réseau au contenu jugé « toxique », pour reprendre les termes du rapporteur Arthur Delaporte, député PS.
Les auditions du 11 juin ont été diffusées en direct sur YouTube. Face aux parlementaires, les cinq créateurs ont estimé que la course à l’audience les poussait à franchir certaines limites. « Ce qui fonctionne, c’est le contenu qui choque », a affirmé Nasdas, influenceur suivi par 3,5 millions de personnes. AD Laurent, connu pour ses vidéos de harcèlement dans la rue, a reconnu avoir « dépensé 15 000 euros » dans sa stratégie de croissance, incluant des faux profils et outils d’optimisation de visibilité.
CONTENUS DÉGRADANTS ET MÉTHODES DOUTEUSES
Les députés ont interrogé les influenceurs sur leurs méthodes : canulars humiliants, fausses arrestations, dévalorisation des femmes ou d’individus vulnérables ont été cités comme pratiques virales. Certains participants ont tenté de minimiser les effets de leur contenu.
« Je n’ai jamais incité à la haine », s’est défendu Mehdi Guelzim, dont une vidéo cumulant 800 000 vues montrait une bagarre provoquée dans un centre commercial. Alex Hitchens a, pour sa part, rejeté la responsabilité sur l’algorithme de TikTok : « Ce n’est pas nous qui décidons de ce qui marche ou non. L’algorithme privilégie les réactions fortes. » Plusieurs ont justifié leurs contenus par la pression de la concurrence et les revenus générés.
NASDAS SE DÉMARQUE PAR SA FRANCHISE
Sans chercher à se dédouaner, Nasdas a reconnu que ses vidéos « allaient parfois trop loin ». À la question d’un député sur les raisons de son succès, il a répondu : « Je donne aux gens ce qu’ils veulent, et ce que veut le public, c’est du sensationnel. » Une déclaration symptomatique de la logique de viralité propre à TikTok, selon les députés.
Le président de la commission, Paul Midy, a conclu l’audition en annonçant une prochaine série de propositions législatives, notamment sur la transparence de l’algorithme, la responsabilité des créateurs et la capacité de modération des plateformes.
Cette audition de la commission TikTok souligne combien les dérives de certains influenceurs ne sont pas déconnectées du modèle de la plateforme elle-même.
source : Midi Libre