Réputé pour sa technique, sa vitesse d’exécution et son humour couplée à une écriture bien acerbe, Eminem a toujours fait polémique en rappant. Son dernier album ne déroge pas à la règle et de nombreux rappeurs en prennent pour leur grade. La communauté LGBT n’est pas épargnée non plus, une nouvelle fois.
À 51 ans, la star du rap des années 1990 à aujourd’hui Eminem revient avec un nouvel album intitulé « The Death Of Slim Shady« . Les albums précédents de Slim Shady ont tous connu un grand succès commercial, même si certains sont objectivement moins marquants que ses classiques d’il y a vingt ans. Néanmoins, Eminem promet du très lourd avec ce nouveau projet, qu’il a annoncé comme étant un album concept. Dans un tweet, il a expliqué : « The Death of Slim Shady est un album concept, donc si vous l’écoutez dans le désordre, cela pourrait ne pas avoir de sens« . Un choix audacieux à l’ère du streaming et des playlists, où il est rare d’écouter des albums en entier et dans l’ordre, mais qui témoigne de la volonté d’Eminem de ne pas se conformer aux tendances actuelles, ce qui est tout à son honneur. L’album est disponible en streaming depuis le 12 juillet, sur toutes les plateformes. Avec 19 titres, et les featurings de Big Sean, rappeur de Detroit, ou encore de Skylar Grey, de JID ou du producteur Sly Pyper, cet album marque la fin de l’immense carrière d’Eminem dont la notoriété dépasse les frontières du rap.
Des piques envoyés aux autres rappeurs
Très incisif pour son ultime projet, Eminem se permet d’asséner des attaques visant d’autres artistes.
Dans son morceau “Fuel”, Eminem attaque frontalement le rappeur et producteur P Diddy. Ce dernier est accusé par plusieurs femmes d’agressions sexuelles, et aurait même fait de l’abus de pouvoir et de mineurs. Une punchline assez difficilement compréhensible en français : “Je suis comme un rapeur. J’ai tellement de S-A, S-A. Attends, il n’a pas juste épelé le mot rappeur et enlevé un P, n’est-ce pas ?”. Le jeu de mots concerne le mot rappeur, alors qu’en anglais rappeur avec un seul “r”, signifie violeur. “S-A” veut dire “sexual-assault”.
Eminem s’en est aussi pris à une autre légende du rap, Kanye West. Étant diagnostiqué comme bipolaire, Kanye West a souvent pu déraper et faire des écarts de conduite. Eminem semble avoir du mal avec les mauvais côtés de Kanye West surnommé Ye : “Ils disent qu’ils aimeraient que je ne sois pas aussi énervé, ils ne veulent pas me voir devenir aussi dingue que Ye”.
Eminem s’en prend aussi aux fans, qu’il qualifie de “complainers”, soit de jamais contents et de contestataires. Dans le son “Renaissance”, il joue un fan s’en prenant à Kendrick Lamar, le rappeur de Compton qui fait l’actualité avec son clash contre Drake. Eminem, qui rapporte les critiques que pourraient lancer un fan jamais satisfait, explique que “l’album de Kendrick était cool, mais qu’il ne contenait aucun banger”, avant de continuer et de s’en prendre à d’autres cadors du Rap US et à lui-même, “L’album de (Lil) Wayne ou de Kanye West, je ne peux pas vous dire lequel était le plus faible, celui de Joyner Lucas était banal, le nouveau truc d’Eminem est encore pire ”. Une critique acerbe du consumérisme de la musique, par des auditeurs qui critiquent à tout-va et semblent bien moins cléments ces dernières années, selon le ressenti d’Eminem.
Le progressisme visé
Alors que dans son morceau Houdini, on avait déjà pu observer que le phénomène transgenre et le concept de Drag-queen avait été évoqué et tourné en dérision, Eminem poursuit dans cette lancée. Dans le morceau “Habits”, il explique “être autant un Homme que Bruce Jenner l’est, merde…”. Le père de Kylie et Kendall Jenner qui avait fait son coming-out, s’identifie à une femme, et a fait de la chirurgie esthétique pour changer son apparence. Ancien champion olympique, il se fait désormais appeler Caitlyn Jenner, et est une icône LGBT. Eminem exprime ensuite une punchline bien écrite qui fait passer ses critiques en vantant la liberté d’expression : “Mon discours est aussi libre que le droit à changer de sexe”. Il ajoute, dans ce son, qu’avec tous “ces pronoms, il ne s’y retrouve pas”. Il conclut en s’exclamant que “si les hommes portent du rouge à lèvres et des sous-vêtements féminins, on s’en fout, c’est leur problème”.
Il fait également taire les critiques et les personnes le considérant comme sexiste, puisqu’il a “élevé trois filles, dont deux ont été diplômées avec mention” comme il l’explique dans “Habits”.
Dans le morceau “Trouble”, il se paie la cancel culture : “Vous allez me cancel ? La Gen-Z ?”. Un pic envoyé à ses jeunes auditeurs lui reprochant souvent d’être politiquement incorrect.
Mais pour contrebalancer et ne pas se voir coller l’étiquette de réactionnaire, et pour rester fidèle à son personnage de dissident, Eminem attaque aussi Candace Owens, avec un long couplet dans le son “Lucifer”. Il y explique qu’elle a honte d’être noir, compte tenu des positions anti-victimaires qu’elle tient, couplée à sa haine du mouvement Black Lives Matter. Candace Owens, dans son podcast qui figure dans le Top 5 des plus écoutés aux États-Unis sur Spotify, a répondu, et considère Eminem comme un “homosexuel refoulé”, et qu’il est “un adolescent qui rap dans sa chambre”.
Eminem a donc sorti un album très engagé contre son époque, en s’adressant à la communauté LGBT, à la Génération Z, aux icônes gays, mais aussi à la nouvelle figure des conservateurs, Candace Owens, ainsi qu’à Kanye West, star des années 2000 et 2010. Une époque à laquelle Eminem va arrêter d’appartenir, en se retirant du rap, bien que des morceaux en featurings ne soient pas à exclure. Eminem part en sachant ce qu’il sait mieux faire, rapper la controverse, et sortir des hits à l’image de son “morceau “Houdini”, comptabilisant bientôt 250 millions de streamings.