L’Assemblée nationale a rejeté, jeudi 16 octobre, les deux motions de censure déposées contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Sauvé à dix-huit voix près, le Premier ministre promet désormais d’ouvrir la séquence budgétaire dans un climat tendu, tandis que Gérald Darmanin en appelle à la stabilité pour apaiser une majorité sous pression et un Parlement déjà prêt à en découdre.
Au terme d’une matinée électrique au Palais-Bourbon, les députés ont tranché : Sébastien Lecornu reste à Matignon. Les deux motions de censure successives, déposées par La France insoumise puis par le Rassemblement national, ont été rejetées, de justesse pour la première et très largement pour la seconde.
Le Premier ministre, debout à la tribune, a défendu un exécutif “qui n’a pas peur du peuple” et exhorté les parlementaires à “rentrer dans les débats plutôt que dans la crise”. À peine sorti de l’hémicycle, il a lancé un laconique “au travail” avant de regagner Matignon à pied, conscient que la survie de son gouvernement n’est qu’un répit avant la bataille budgétaire.
Dès lundi 20 octobre, la commission des Finances entamera l’examen du budget, attendu en séance plénière dès le 24 octobre. Le chef du gouvernement entend également proposer, en novembre, un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) suspendant la réforme des retraites jusqu’à la prochaine présidentielle. Un geste interprété comme une tentative d’apaisement, mais aussi comme un pari risqué, tant le sujet demeure explosif.
Dans les rangs de La France insoumise, la colère est palpable. Mathilde Panot a dénoncé “un sursis de dix-huit voix”, accusant la direction du Parti socialiste d’avoir “failli à une responsabilité historique”. Jean-Luc Mélenchon, depuis les réseaux sociaux, a appelé à la “résistance populaire et parlementaire”. Du côté du Rassemblement national, Marine Le Pen a fustigé un “budget de toutes les lâchetés” et prévenu que “l’impatience croissante du pays” ne tarderait pas à se traduire dans les urnes. Jordan Bardella a renchéri, accusant la majorité d’être “celle du marchandage et du renoncement”.
Les socialistes, charnière de ce scrutin, ont opté pour une position d’équilibriste. Olivier Faure a conditionné son refus de censurer à un “respect du Parlement” et à la garantie que les engagements sur les retraites soient tenus. Raphaël Glucksmann, lui, a justifié un “acte de responsabilité”, estimant qu’il valait mieux débattre que tomber dans le blocage. Pourtant, sept députés PS ont voté la censure LFI, et plusieurs élus ultramarins ont exprimé leur colère contre “le désamour” du gouvernement envers les Outre-mer.
À droite, Les Républicains ont scellé le sort du gouvernement, refusant de voter la censure “au nom de l’intérêt supérieur de la nation”, tout en promettant un soutien “exigeant, texte par texte”. Mais la discipline a craqué : quelques élus ont franchi la ligne pour voter avec le RN ou LFI, signe des fractures persistantes dans un parti déjà tiraillé entre l’opposition de principe et la tentation du compromis.
Dans cette atmosphère tendue, le garde des sceaux, Gérald Darmanin, a choisi de plaider la continuité. Depuis son déplacement dans l’Oise, il a déclaré qu’“il faut de la stabilité pour transformer un ministère”, rappelant qu’“on ne réforme pas en quelques jours, mais en quelques années”. Une défense de la durée reprise par Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, qui s’est dite “raisonnablement optimiste” sur la capacité du pays à renouer avec un débat apaisé.
Pourtant, la trêve pourrait être de courte durée. Marine Tondelier a annoncé que les Écologistes voteraient “quasiment à l’unanimité” les prochaines censures si la ligne budgétaire ne change pas, tandis que la CGT de Sophie Binet a jugé “insuffisante” la suspension des retraites. Le sénateur LR Bruno Retailleau, lui, alerte sur le “coût exorbitant” d’une telle décision. Entre tension politique et précarité parlementaire, la fragile victoire du gouvernement Lecornu n’aura peut-être offert qu’un court répit avant la prochaine épreuve de force.
Sources :
Le Monde, BFMTV, Libération, X (anciennement Twitter).