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Exil de l'Association de journalistes du Salvador : la liberté de la presse en danger

Sous la pression du régime de Nayib Bukele, la principale association de journalistes du Salvador, l’Apes, a quitté le pays pour poursuivre son activité à l’étranger. L’entrée en vigueur de la loi sur les “ agents étrangers ” marque un tournant autoritaire et menace la liberté de la presse dans l’un des pays les plus répressifs d’Amérique latine.

L’annonce a eu l’effet d’un séisme dans le petit monde des médias salvadoriens. Fondée en 1936, l’Association de journalistes du Salvador (Apes), pilier historique de la liberté d’expression dans le pays, a officiellement transféré son siège à l’étranger le 1er octobre 2025.

Dans un communiqué, elle évoque la nécessité “ urgente de travailler sans pressions ”, face à un gouvernement qui a fait de la presse indépendante un ennemi à abattre.

Selon le quotidien La Prensa Gráfica, cette décision fait suite à des années de harcèlement et de menaces, mais aussi à l’entrée en vigueur de la loi sur les agents étrangers, promulguée début septembre.

Une loi pour “museler les voix critiques”

Entrée en application le 4 septembre, cette loi impose à toute organisation recevant des financements internationaux de s’enregistrer auprès de l’État, de déclarer ses activités et de payer un impôt de 30 % sur les fonds reçus.

Elle interdit en outre les “ activités politiques ” ou toute action pouvant “ menacer la stabilité nationale ”, sous peine d’amendes ou de poursuites pénales.

Présentée par Nayib Bukele comme une mesure de “ transparence ”, elle est décrite par Human Rights WatchAmnesty International et la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) comme un outil de censure. Ces organisations dénoncent un dispositif visant à étouffer les ONG, les médias indépendants et les journalistes critiques du gouvernement.

L’Apes, qui assurait jusque-là une protection juridique et psychologique aux reporters menacés, n’a plus pu exercer librement depuis l’adoption de cette loi. “ Nous avons tout donné, ruiné la carrière de nos proches, abandonné nos parents. Désormais, il ne nous reste qu’à dénoncer depuis l’exil ”, confie au média El Faro le journaliste Gabriel Labrador, lui-même réfugié au Costa Rica.

Une presse décimée par la peur et les poursuites

Selon le rapport annuel 2024 de l’Apes, 789 agressions contre des journalistes ont été recensées l’an dernier, dont 314 depuis janvier 2025. Les principaux auteurs : policiers, militaires, agents publics… et parfois le président Bukele lui-même.

Les méthodes employées vont du harcèlement en ligne à la surveillance numérique, en passant par les menaces judiciaires et les arrestations arbitraires.

Depuis le début de l’année, 43 journalistes ont fui le Salvador, précise La Prensa Gráfica. La majorité d’entre eux ont trouvé refuge au Costa Rica, où se sont déjà installées les rédactions d’El Faro et de Focos TV, deux médias indépendants contraints à la relocalisation.

“ Ce n’est plus seulement une crise de la presse, c’est une crise démocratique, analyse El País América. “ Le Salvador est désormais confronté à un risque réel de panne informative, faute de journalistes expérimentés capables de couvrir la situation intérieure.

Bukele, un président populaire mais autoritaire

Porté par un taux d’approbation record depuis sa guerre contre les gangs, Nayib Bukele cultive un discours populiste et sécuritaire, mais son autoritarisme inquiète la communauté internationale.

Sous son mandat, les institutions ont été affaiblies, la justice politisée, et les contre-pouvoirs méthodiquement neutralisés. En 2021, la Cour constitutionnelle a été remaniée pour lui permettre de briguer un second mandat consécutif, interdit jusque-là par la Constitution.

Les observateurs redoutent une concentration absolue du pouvoir, d’autant que les rares voix critiques sont désormais contraintes à l’exil. Le Salvador occupe aujourd’hui la 135e place sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF).

Pour l’Apes, la mission se poursuit, mais de loin. Depuis son exil, l’association promet de “ continuer à défendre les journalistes salvadoriens et à dénoncer ce qui peut encore être dénoncé ”. Reste à savoir si cette résistance symbolique suffira à empêcher le silence total d’un pays privé de sa presse libre.

Source : Courrier International.

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