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Maroc et guerre à Gaza : un fossé grandissant entre la monarchie et son peuple

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Depuis le 7 octobre 2023, la position officielle du Maroc vis-à-vis d’Israël et de la guerre à Gaza provoque un rejet massif dans la population. Tandis que Rabat défend la normalisation signée avec Tel-Aviv en 2020, des manifestations quotidiennes expriment une solidarité inébranlable avec les Palestiniens.

La fracture entre l’État marocain et son opinion publique n’a jamais semblé aussi nette. Cinq ans après la signature des accords d’Abraham, qui ont scellé la normalisation des relations entre Rabat et Tel-Aviv en échange de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, la guerre à Gaza est venue en souligner toutes les contradictions.

Pour les autorités, ces accords représentaient un triomphe diplomatique et un levier économique. Mais dans la rue, ils sont de plus en plus perçus comme une trahison, au moment où Israël poursuit son offensive militaire dans l’enclave palestinienne. Depuis octobre 2023, les manifestations se succèdent dans les grandes villes marocaines, orchestrées notamment par le Front marocain pour la Palestine et contre la normalisation, qui rassemble islamistes, militants de gauche et syndicats.

Le pouvoir a multiplié les signes d’ouverture à Israël : intensification des échanges commerciaux, coopération sécuritaire et militaire, partenariats universitaires. Une stratégie qui s’est heurtée à un rejet croissant, en particulier dans les campus, devenus foyers de contestation. La fermeture temporaire de plusieurs universités pour empêcher des rassemblements pro-palestiniens en 2022 et 2024 a cristallisé ce malaise, tandis que des étudiants ont été arrêtés pour leur militantisme.

Sur le plan diplomatique, Rabat adopte une ligne prudente : dénoncer « la violence dans la région » sans condamner explicitement Israël. En février 2025, l’accueil chaleureux réservé à la ministre israélienne Miri Regev a ravivé l’indignation, alors même qu’un convoi du Hamas s’était vu refuser l’entrée au royaume. Une position interprétée comme une tentative de ménager Washington et Tel-Aviv au prix d’un isolement croissant vis-à-vis des opinions arabes et africaines.

Le fossé est tel que de nombreux Marocains considèrent la normalisation comme une complicité indirecte avec ce qu’ils qualifient de génocide. La mémoire historique alimente cette indignation : de Jérusalem et son Quartier maghrébin aux luttes anticoloniales du XXe siècle, le soutien à la Palestine est perçu comme un devoir moral et religieux. Chaque attaque israélienne sur Gaza rallume donc la contestation, malgré une répression accrue.

Cette dissonance fragilise le pouvoir. En cherchant à capitaliser sur l’autorité de la monarchie et sur le gain stratégique du Sahara occidental, Rabat prend le risque d’attiser une colère populaire qui transcende les clivages politiques. À l’heure où les accords d’Abraham sont remis en cause jusque dans les pays signataires du Golfe, la position marocaine apparaît de plus en plus isolée et contestée.

Sources :
Raseef22 – « Au Maroc, le fossé grandissant entre le pouvoir et la population sur la guerre à Gaza » – lien (16 septembre 2025)
El País – Analyse publiée avec le dessin d’Eva Vazquez – lien

 

 

 

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