Héritier d’une longue tradition hospitalière, l’Hospital de Sant Pau est devenu après restauration l’un des plus ambitieux projets européens de reconversion patrimoniale. Désormais espace public-privé, il réunit institutions académiques, économiques et sociales pour travailler sur la santé, la soutenabilité et l’éducation dans le cadre des ODD.
Né de la fusion des hôpitaux médiévaux de Barcelone, l’Hospital de Sant Pau a longtemps incarné la vocation charitable de la ville. Reconstruit au début du XXᵉ siècle grâce au mécénat de Pau Gil i Serra et au génie moderniste de Lluís Domènech i Montaner, il est aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Sa restauration récente l’a transformé en un pôle de coopération internationale dédié aux grands défis du XXIᵉ siècle.
Un début de laïcisation dès le moyen-âge
L’histoire de l’Hospital de Sant Pau est d’abord celle d’un lieu de soins au service des plus démunis. Dès le XIIIᵉ siècle, le roi Alphonse X le Sage avait pour objectif de créer un réseau d’assistance efficace pour contrôler socialement la masse de plus démunies qui déambulaient dans les rues de la ville.
Un siècle plus tard le frère franciscain Francesc Eiximenis exhorta à son tour les autorités barcelonaises à prendre en charge les hôpitaux, auparavant prérogative de l’Eglise, considérés comme œuvre de miséricorde spirituelle.
Au XIVᵉ siècle, les épidémies et la dégradation urbaine poussèrent à une réorganisation sanitaire. En 1401, six hôpitaux furent regroupés pour fonder l’Hospital de la Santa Creu, symbole d’une solidarité urbaine placée sous la double autorité de la municipalité et du chapitre cathédral. Sous le parrainage du roi Martin L’Humain, ce regroupement fut réalisé, après une négociation rapide entre le Conseil de la ville et le Chapitre Cathédrale. Il fut convenu pour entériner l’accord entre la municipalité et l’Église que deux citoyens élus par le Conseil de Cent et deux chanoines désignés par le Chapitre de Cathédrale seraient chargés d’administrer l’hôpital.
Si la disparition des petits hôpitaux obsolètes et leur long remplacement se retrouve dans toute l’Europe des XVe et XVI siècle, la concentration barcelonaise fut l’une des premières sur le continent.
Pendant des siècles, l’établissement incarna cette mission de charité en accueillant pauvres, malades et pèlerins. Mais au XIXᵉ siècle, il ne répondait plus aux besoins d’une ville en pleine expansion.
Le legs décisif de Pau Gil i Serra
En 1896, le banquier catalan Pau Gil i Serra, installé à Paris, légua par testament une partie de sa fortune pour construire un hôpital moderne à Barcelone, dédié à saint Paul. Ce geste philanthropique permit de lancer un projet hospitalier inédit, confié à l’architecte moderniste et hygiéniste Lluís Domènech i Montaner.
Entre 1902 et 1930, celui-ci réalisa un « hôpital-ville » composé de pavillons spécialisés reliés par des galeries souterraines. La lumière, l’air et les jardins, pensés comme éléments thérapeutiques, furent intégrés à une architecture moderniste d’exception, où mosaïques, vitraux et céramiques servaient autant la beauté que la médecine.
Du soin à la connaissance
Pendant près d’un siècle, Sant Pau resta un hôpital de référence en Catalogne, jusqu’au transfert des services médicaux vers de nouveaux bâtiments en 2009. Cette évolution ouvrit la voie à un projet politique et culturel majeur : restaurer le site historique et lui donner une nouvelle fonction. Avec le soutien de l’Union européenne, de la Generalitat de Catalunya, de la mairie et de l’État espagnol, le complexe moderniste a été réhabilité pour accueillir un centre international dédié aux Objectifs de développement durable (ODD).
Un pôle public-privé pour les ODD
Aujourd’hui, Sant Pau se présente comme un espace de collaboration entre institutions académiques, économiques et sociales. Des organisations internationales y ont installé leurs sièges, parmi lesquelles : l’OMS, l’UN-Habitat, présent via le City Resilience Global Programme, Banco Farmacéutico, Barcelona Health Hub, EFI (European Forest Institute), EMEA (Euro-Mediterranean Economists Association), EURORDIS (Rare Diseases Europe), ou la Fondation Lluís Domènech i Montaner.
Ces institutions, réunies au sein d’un même campus, travaillent sur trois axes stratégiques : la santé, avec des programmes de coopération biomédicale ; la soutenabilité, via des projets urbains et écologiques ; et l’éducation, en favorisant la recherche et la formation de jeunes chercheurs internationaux.
Un symbole de patrimoine réinventé
La restauration de Sant Pau constitue l’une des plus vastes opérations patrimoniales d’Europe, financée par le Fonds européen de développement régional, l’État espagnol, la Generalitat et la Mairie de Barcelone. Le site n’est plus seulement un monument moderniste inscrit à l’UNESCO depuis 1997, mais un laboratoire d’innovation sociale et scientifique. Barcelone y affirme son rôle de capitale méditerranéenne du dialogue entre patrimoine et prospective internationale.
L’Hospital de Sant Pau demeure ainsi un double symbole : celui d’une tradition séculaire de charité hospitalière et celui d’un espace contemporain où s’invente la réponse aux défis globaux dans le cadre d’une coopération public-privée.