L’eurodéputé tchèque Mikulas Peksa, du Groupe des Verts/Alliance libre européenne, a tenu une conférence de presse au Parlement européen intitulée « La face cachée de la société de Daniel Křetínský ». L’événement a servi de forum pour discuter des activités controversées du groupe EPH et de l’influence de Křetínský sur les politiques énergétiques et médiatiques européennes.
« Je pense que le sujet de l’industrie fossile et la stratégie de lobbying des principaux émetteurs sont la clef non seulement de la politique climatique européenne, mais aussi de la transition des économies des pays d’Europe centrale », a expliqué Peksa.
Il a souligné que Kretinsky n’est qu’un exemple parmi d’autres milliardaires ayant profité d’opportunités et de relations pour construire un empire, illustrant les failles du système européen, conçu théoriquement autour de la transparence et de la prise de décisions justes.
L’eurodéputé a également mis en lumière le paradoxe de la croissance de l’industrie fossile malgré l’Accord de Paris et les records de température en été. Il s’est interrogé sur le fait qu’en 2022, près de 10% des Européens ne pouvaient pas chauffer correctement leurs logements tandis que les entreprises pétrolières et gazières doublaient leurs profits.
Selon Peksa, ce ne sont pas les élus mais les intérêts de l’industrie fossile qui dictent les politiques climatiques en Europe. Il a évoqué l’investissement de Kretinsky dans la presse et le rôle du groupe EPH sur le marché européen, soulignant la nécessité d’un marché libre, d’une concurrence juste et de médias impartiaux.
Des journalistes tels que Radek Kubela, Daniel Kotensky et Gaby Khazalová ont été invités pour partager leurs recherches sur les activités de Kretinsky et du groupe EPH, notamment dans le domaine de l’énergie et des médias.
L’organisation du Groupe EPH et son influence par Radek kubela
Le journaliste de Re-Set a précisé que le Groupe EPH, était une entreprise pétrolière classée comme le troisième émetteur de CO2 en Europe. L’entreprise joue également un rôle significatif dans l’industrie gazière, possédant l’un des plans de développement les plus importants de ce secteur en Europe.
Kubela a exprimé ses préoccupations quant à l’impact d’EPH sur le climat et la démocratie, en particulier à travers l’empire médiatique de Daniel Kretisnsky en République tchèque, en France – où il détient plusieurs médias et envisage l’achat d’Editis, la deuxième maison d’édition – et en Grande-Bretagne, où il projette d’acquérir le Telegraph. « Nous savons comment ces médias fonctionnent en République tchèque, il y a de nombreuses attaques contre les mouvements pro climat comme cela a été le cas avec le mouvement Green Talibans », a-t-il précisé.
Le journaliste a expliqué que le rachat par EPH de l’entreprise slovaque Eustream et de son pipeline a généré d’importants profits par le transport de gaz russe. Il a également mentionné le rachat d’Uniper en France, notant que Kretinsky a enrichi son portefeuille en acquérant des centrales électriques au bord de la faillite, recevant des compensations gouvernementales pour les fermer, puis en les revendant pour financer de nouvelles industries gazières en Europe. Selon lui, Kretinsky a bénéficié du soutien de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la Slovaquie et du Luxembourg.
Kubela a relevé que la Commission européenne a lancé une enquête sur ces pratiques, mais s’est étonné de l’absence de décision malgré la durée de l’enquête.
Selon lui, « EPH est une gosse entreprise d’énergie fossile qui influence les politiques climatique de l’Europe, qui prend de l’argent publique et refuse de le rendre ». « EPH a été construit avec l’argent du gaz russe. Le parlement européen pourrait regarder ce que fait cette compagnie. Il y a des preuves que EPH a utilisé la loi allemande. »
Le gaz russe à l’origine de la fortune d’EPH souligne Gaby Khazalová
Gaby Khazalová, journaliste chez Danik referendum, a examiné de près la fiscalité européenne appliquée aux entreprises énergétiques et a découvert une générosité fiscale particulière de la République tchèque par rapport à d’autres pays européens. Elle a relevé que, bien que le gouvernement tchèque avait initialement prévu d’appliquer cette taxation en 2022, il a finalement reporté sa mise en œuvre à 2023, ce qui a entraîné un manque à gagner de 1,8 milliard d’euros selon ses estimations. « Qu’est-ce qui causé ce changement d’avis ? Nous n’avons pas de preuve, mais pour nous c’est très suspicieux », a-t-elle déclaré.
En étudiant le modèle d’affaires d’EPH, Khazalová a conclu que les profits significatifs de l’entreprise étaient largement dus à l’augmentation des prix de l’énergie, impactant fortement tous les citoyens européens. Elle a noté que la réduction de l’approvisionnement en gaz en Europe avait bénéficié à EPH, notamment par l’acquisition de la compagnie slovaque Eustream. Cette opération, selon elle, n’aurait pas été possible sans l’approbation de l’ancien gouvernement slovaque dirigé par le Premier ministre Eduard Heger, qui est par ailleurs contributeur de l’Agenda 2030 du Forum économique mondial.
Khazalová a mis en lumière la nature opaque de cette acquisition, réalisée via des structures aux Pays-Bas et au Luxembourg, souvent utilisées par Kretinsky pour d’autres investissements. En explorant les registres tchèques et slovaques, elle a trouvé des informations incomplètes, mais a découvert des entités enregistrées au Luxembourg et à Chypre. La propriété réelle de la compagnie chypriote reste incertaine, bien que des liens avec des cadres d’EPH aient été établis, ainsi que des connexions avec d’anciens Premiers ministres tchèque et slovaque.
Khazalová que les bénéfices d’EPH ne profitent pas uniquement à Kretinsky, et qu’il reste des questions ouvertes sur la véritable destination des profits issus non seulement du gaz russe mais aussi de l’augmentation des prix de l’énergie.
EPH sous évalue ses émissions de CO2 selon Daniel Kotensky.
Daniel Kotensky, un autre journaliste de Danik referendum, a abordé la question des affirmations d’EPH sur son rôle de leader dans la décarbonation, un sujet important pour le public, les banques et les autorités publiques. Cependant, il a souligné des contradictions majeure dans cette affirmation.
Kotensky a toutefois rappelé qu’EPH était l’un des princiapux émetteurs de CO2 et que ces derniers produisaient 25% des émissions de gaz a effet de serre du secteur de l’énergie en Europe. « 8 des 10 usines les plus polluantes leur appartiennent », a-t-il déclaré.
Le journaliste a spécifiquement mentionné que la majorité des émissions d’EPH proviennent d’usines situées en Allemagne de l’Est. Ces installations sont d’importantes centrales électriques qui émettent quatre fois plus de CO2 que d’autres centrales européennes. Il a relevé un point crucial : ces centrales ne figurent pas dans le rapport sur le développement durable publié par EPH. Selon Kotensky, les méthodes utilisées pour rédiger ce rapport ne reflètent pas fidèlement l’impact réel du groupe, comme l’ont souligné certains experts.
En examinant comment EPH a déclaré ses émissions au fil des ans, Kotensky a constaté que les efforts de l’entreprise pour réduire ses émissions n’ont pas significativement progressé depuis une décennie.
De plus, Kotensky a effectué ses propres calculs sur les émissions totales de CO2 produites par toutes les centrales d’EPH. Ses résultats indiquent que les émissions réelles pourraient être 3,5 fois plus élevées que les chiffres officiellement déclarés par l’entreprise.
Il en a conclu que les affirmations d’EPH sur son leadership en matière de décarbonation n’étaient pas crédibles.
Par Grégory Fiori