Le Royaume-Uni a accueilli mercredi et jeudi le premier sommet mondial consacré aux risques potentiels de l’intelligence artificielle (IA), rassemblant un spectre impressionnant de dirigeants politiques, de pionniers technologiques, et d’experts en IA, dont beaucoup étaient liés au Forum économique mondial.
Par Grégory Fiori
Ce sommet s’est symboliquement déroulé au manoir de Bletchley Park, berceau du décryptage des codes de la Seconde Guerre mondiale.
Il a réuni de nombreux contributeurs de l’Agenda 2030 du Forum économique mondial, comme le PDG d’Open AI, Sam Altman, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ou le ministre de l’Economie et des Finances français Bruno Le maire.
« À l’occasion du sommet britannique sur l’IA, j’ai porté un message très clair : l’Europe doit innover avant de réguler. Nous disposons d’atouts exceptionnels pour relever ce défi. Nous ne devons pas répéter les erreurs de la dernière révolution technologique des années 1990 », a déclaré, aujourd’hui, Bruno Le Maire sur X. « Ce sommet constitue un rendez-vous essentiel pour apporter des réponses concrètes sur ce sujet majeur pour les décennies à venir. La France est honorée de reprendre le flambeau britannique en organisant le prochain sommet », a-t-il ajouté.
Les discussions ont en effet tourné autour de l’impact profond et la rapide évolution de l’IA, non seulement en tant que moteur d’innovation, mais aussi comme source potentielle de défis sans précédent en matière de sécurité, d’éthique, et de gouvernance.
Suite à la signature d’une déclaration commune par une trentaine de pays et d’organisations, le Premier ministre britannique et contributeur de l’Agenda 2030, Rishi Sunak, a révélé le principal aboutissement du sommet : un engagement conjoint entre les gouvernements et les entreprises pour collaborer sur la sécurité des nouveaux modèles d’intelligence artificielle (IA) avant leur déploiement. « Actuellement, les seuls à tester ces modèles d’IA sont les sociétés qui les conçoivent », a-t-il déclaré. Sunak a également annoncé, en accord avec la vice-présidente américaine Kamala Harris, la création d’instituts spécialisés dans la sécurité de l’IA, une initiative conjointe des gouvernements britannique et américain.
Le sommet a également été marqué par la fondation d’un groupe similaire au Giec pour l’intelligence artificielle. Ce comité intergouvernemental sera chargé de publier des rapports annuels évaluant les dangers potentiels liés à l’IA.
Antonio Guterres a insisté sur la nécessité d’une approche « unifiée, durable et exhaustive’ pour faire face aux défis posés par le développement rapide de l’intelligence artificielle. Il a souligné l’importance de baser les principes de régulation de l’IA sur des fondements solides tels que la Charte des Nations unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Dans une lettre ouverte adressée à Rishi Sunak avant le sommet, un groupe de plus d’une centaine d’entités comprenant des organisations, des experts et des militants à l’échelle mondiale ont exprimé leur mécontentement face à la tenue de cet évènement à huis clos. Ils ont critiqué la prédominance des grandes entreprises technologiques et le manque de participation de la société civile. Sasha Costanza-Chock, professeure associée au Berkman Klein Center de l’Université de Harvard, a argumenté lors d’une conférence de presse, qu’« Il est temps de reconnaître que les entités privées à but lucratif ne devraient pas être les seules à avoir un droit de propriété et de contrôle sur les systèmes d’IA qui modifient profondément nos vies et nos façons de travailler ».
Les débats devraient se poursuivre lors de deux sommets internationaux, l’un en format virtuel en Corée du Sud dans six mois, puis un en physique à Paris dans un an, comme l’a annoncé le ministre délégué au numérique et contributeur de l’Agenda 2030 du Forum économique mondial, Jean-Noël Barrot. La société civile sera-t-elle conviée ?