Conflit israélo-palestinien : Les autorités israéliennes diffusent-elles de fausses informations ?  

De nombreux journalistes ont remis en question l’information émanant d’I24News, une chaine qui appartient à un certain Patrick Drahi, selon laquelle 40 bébés auraient été décapités dans le kibboutz de Kfar Azar. CNN avait même présenté ses excuses pour avoir diffusé de fausses informations. Et ce n’est pas le seul exemple de Fake News qui semblent avoir été propagées par les autorités israéliennes. 

Par Grégory Fiori

La chaîne i24News a diffusé une vidéo le 10 octobre 2023, où sa correspondante Nicole Zedeck, évoquait depuis le kibboutz de Kfar le transport de près de quarante bébés sur des brancards. Plus tard, elle confirmait que d’après « un commandant » de l’armée israélienne, au moins 40 bébés ont été tués.

Dans un autre reportage elle se faisait encore plus affirmative et interviewait le commandant David Ben Zion, précisant que certains bébés avaient même été décapités.

La journaliste a également cité le président du Conseil régional de Shomron et l’information a été relayé par les contributeurs de l’Agenda 2030 du Forum économique mondial, Benjamin Netanyahou et Joe Biden. 

Le président américain a assuré « qu’il y a des rapports selon lesquels des nourrissons ont été tués et égorgés parce qu’ils sont juifs » et Netanyahu a confirmé cette information à Anthony Blinken, lors de sa visite en Israel. 

Le tweet officiel de l’Etat d’Israël reprenant ces informations a été vu près de sept millions de fois.

Nicole Zedeck faisait parti d’un groupe de journalistes autorisés à accéder au kibboutz, par l’armée israëlienne, mais les autres journalistes n’ont pas confirmé ses informations. Selon CheckNews, « Les seuls confrères à donner une version approchante sont les collègues de Nicole Zedeck ». Le journaliste d’i24 News, Mael Benoliel, a mentionné sur BFM TV qui appartient également à Patrick Drahi, l’exécution et la mutilation de 40 enfants, y compris des bébés, sans toutefois confirmer les décapitations. Un autre journaliste de la chaîne, Pierre Klochendler, a parlé de 200 corps, dont 40 bébés et enfants, découverts dans le kibboutz, sans parler non plus de décapitation. 

Contacté par CheckNews, Mael Benoliel a précisé qu’il n’a pas vu lui-même «d’enfants tués ou décapités, ce sont des témoignages de soldats». Il a également évoqué différentes sources parlant de victimes mutilées ou décapitées, mais sans confirmation indépendante.

Alors que Nicole Zedeck, la journaliste d’i24News, a ajusté ses déclarations initiales en précisant qu’elle rapportait des propos de soldats, aucun bilan officiel n’était disponible à ce moment, selon une dépêche de Reuters. Un porte-parole de l’armée israélienne, interrogé par Business Insider, un média décrié par Elon Musk, a affirmé que des soldats avaient trouvé des cadavres décapités de bébés, mais cette information n’a pas été officiellement confirmée.

Par la suite Nicole Zedeck a quelque peu nuancé ses affirmations, précisant sur X que « Des soldats m’ont dit qu’ils pensaient que 40 bébés/enfants avaient été tués ». « Le nombre exact de morts est encore inconnu alors que l’armée continue de se rendre de maison en maison pour trouver de nouvelles victimes israéliennes.» Reuters venait en effet de publier une dépêche indiquant qu’aucun bilan officiel n’était disponible à ce moment. L’agence de presse turque Anadolu et le journal israélien Haaretz ont  également rapporté que le bilan exact des victimes était toujours en cours de détermination. 

Le 11 octobre, le journaliste indépendant Samuel Forey a déclaré sur X avoir été la veille à Kfar Aza, mais que personne ne lui avait parlé « de décapitations, encore moins d’enfants décapités, encore moins de 40 enfants décapités », un tweet qui a été depuis retiré.

Le même jour, le journaliste de Today News Africa, Simon Ateba, rappelait que « Le rapport provient d’une seule source, i24 d’Israël, citant l’armée ». « La journaliste elle-même n’a pas vu les corps de ces « 40 » bébés. Certains pensent qu’il s’agit peut-être de propagande. Néanmoins, en temps de guerre et d’atrocités, les gens ont tendance à croire tout ce qui correspond à leurs opinions. »

Un porte-parole du Premier ministre israélien a indiqué à CNN que des bébés et de jeunes enfants avaient été retrouvés décapités, sans donner de chiffres précis, mais le 12 octobre, CNN s’est excusé publiquement d’avoir diffusé de fausses informations, par la voix de sa journaliste Sarah Sidner qui s’est exprimé en direct. Elle a également renouvelé ses excuses sur sa page X (anciennement Twitter) affirmant qu’ « Hier, le bureau du Premier ministre israélien a déclaré qu’il avait confirmé que le Hamas avait décapité des bébés et des enfants pendant que nous étions en direct sur les ondes ». « Le gouvernement israélien déclare aujourd’hui qu’il NE PEUT PAS confirmer que des bébés ont été décapités. J’aurai du être plus prudente ave les termes que j’ai employé et je suis désolé ».

Interrogé par l’AFP, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien a fait en effet fait machine arrière, concédant que «Le ministère des Affaires étrangères israélien n’est pas en mesure “à ce stade” de confirmer le nombre de “40 bébés assassinés”.»

La contributrice de l’Agenda 2030 du Forum économique mondial, la reine Rania de Jordanie a déclaré mardi dernier sur CNN, que « Le président américain a déclaré qu’il avait des preuves, qu’il avait vu des preuves que des têtes d’enfants avaient été décapitées, pour ensuite se rétracter parce que l’armée israélienne a déclaré qu’il n’y avait aucune preuve de cela ». « Même sur CNN, au début du conflit, il y avait un titre qui faisait état d’enfants israéliens retrouvés massacrés dans un kibboutz israélien. Cela n’a pas été vérifié de manière indépendante. Seriez-vous prêt à publier quelque chose qui n’a pas été vérifié et qui vient des Palestiniens ? » Selon i24News, « Rania a ensuite accusé les grands médias du monde occidental d’avoir « clairement deux poids, deux mesures » dans leur couverture de la guerre entre Israël et le Hamas ».

D’autres informations provenant des autorités israéliennes sont sujettes à caution.

L’explosion de l’hôpital Arabe Ahli attribué au Jihad islamique par Israël

Suite à l’explosion de l’hôpital Arabe Ahli, le Hamas a accusé Israël, mais le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a déclaré lors d’un point de presse qu’aucune frappe israélienne, aérienne, terrestre ou maritime, n’avait eu lieu près de l’hôpital au moment de l’explosion meurtrière. Le compte X de l’État d’Israël a ensuite publié un tweet dans lequel il remettait la faute sur l’organisation terroriste du Jihad islamique, qui aurait raté un tir de rockety, mais celui-ci a démenti. 

Nous vous révélions dans un précédent article, que  le représentant de l’agence onusienne dans les territoires palestiniens, Rick Peeperkom a indiqué lors d’une conférence de presse organisée par l’OMS le 17 octobre, qu’Israël était à l’origine de la frappe. Il déclarait que l’« ampleur » de cette attaque et la façon dont Israël a régulièrement ciblé les infrastructures sanitaires dans le territoire palestinien sont « sans précédent », avant d’être repris par le Dr Mike Ryan, le responsable des situations d’urgence sanitaire de l’OMS.

Hagari a ensuite fourni des « preuves », dans lesquelles on peut notamment entendre un enregistrement de supposés membres du Jihad islamique palestinien, indiqué que « le missile défectueux a été tiré depuis un cimetière à côté de l’hôpital ».

Alex Thomson, journaliste pour la chaîne britannique Channel 4, a mené une investigation approfondie dans laquelle il remet en question la véracité des preuves fournies par Israël. 

Thomson indique que deux journalistes arabes indépendants lui ont confirmé, « l’opinion du Hamas selon laquelle la cassette audio des membres du « Hamas » parlant du dysfonctionnement du missile est un faux ». « Ils disent que le ton, la syntaxe, l’accent et l’expression idiomatique sont absurdes ».

 

Selon lui, les Israéliens « ont décidé de lancer une campagne médiatique mondiale pour cacher ce qui s’est réellement passé ».

Une fois encore, Joe Biden affirmait pourtant disposer d’informations validant la version israélienne.

La vidéo accusant le Hamas d’opérer depuis des hôpitaux de Gaza

Enfin, on peut citer la vidéo mise en ligne par l’ambassade d’Israël aux États-Unis et Benjamin Netanyahu qui accusait le Hamas d’opérer depuis des hôpitaux de Gaza. 

Francesco Sebregondi, fondateur d’INDEX, une ONG d’investigation indépendante a exprimé sa préoccupation quant à la manière dont ces informations sont présentées. Selon lui, l’Occident a donné tellement de latitude à Israël qu’une simple « illustration en 3D » pourrait être utilisée pour justifier un éventuel bombardement du plus grand hôpital de Gaza.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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